En couple, Marine et Alexandre ont ouvert leur salon de thé : "On a frôlé plusieurs fois le burn-out, voire le divorce"

  • Copié
Romain David , modifié à
Ces jeunes Lillois racontent à Olivier Delacroix, sur Europe 1, comment le projet professionnel qu'ils ont bâti à deux a pu ébranler leur relation, mais aussi comment ils ont réussi à trouver un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie intime.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

Travailler en famille : pour le meilleur et pour le pire ? Marine et Alexandre ont ouvert un salon de thé à Lille. Très vite, ce couple s'est retrouvé dépassé par le succès du petit établissement. De quoi ébranler leur relation. Au micro d'Olivier Delacroix, sur Europe 1, ils évoquent les revers de cette aventure familiale, qui n'a pas été vécue par chacun de la même manière.

Marine - "J'avais envie de faire quelque chose par moi-même. Le choix a été d'autant plus difficile qu'à l'époque je travaillais pour l'agence immobilière de ma maman. Ce projet est venu d'une histoire de couple, puisque quand j'ai rencontré mon mari, Alexandre, on avait plaisanté sur le fait d'ouvrir un jour un restaurant… et finalement, on a ouvert un salon de thé. On s'est rendu compte que ça pouvait être une belle aventure à vivre à deux. […]

Pour moi, ça méritait d'avoir un entourage proche, […], surtout des gens sur qui je pouvais compter, à qui je pouvais me fier. À partir du moment où l'on travaille avec ses parents ou son conjoint, on a l'assurance que la personne en face est bienveillante, et qu'elle osera vous dire si ça part dans une mauvaise direction. Pour moi, c'était un avantage.

 

>> De 15h à 16h, partagez vos expériences de vie avec Olivier Delacroix sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

À la tête d'une agence de communication, Alexandre a d'abord aidé Marine à élaborer son business plan, et puis, face au succès, il a dû mettre la main à la pâte.

Alexandre - On a été dépassé par l'ampleur que ça a pris au bout de six mois. Dans nos plus grands rêves, on aurait embauché trois personnes au maximum, et là on est dix. […] Il a fallu recruter, structurer, tout en gérant le quotidien du couple.

 […]

On a été très naïf. Si on avait su [ce qui nous attendait], je ne sais pas si on l'aurait fait, en tout cas pas de la même manière. L'avantage et l’inconvénient que l'on a eu, c'est qu'ayant une agence de communication, faire parler de soi n'était pas très compliqué pour nous.  […]  Marine est passée au 20 heures de TF1 […], il y a eu beaucoup de couverture presse. Mais ça a parfois pris des proportions assez dingues. On ne savait pas ce qui allait arriver. On était innocent. Notre couple a été ébranlé.

Alexandre n'a pas toujours su gérer le stress lié à la charge de travail. Et bientôt, sa relation a été mise à rude épreuve.

Alexandre - Quand ça monte en puissance aussi rapidement et que l'on n'est pas du métier, que l'on n'a pas les codes, que l'on ne connaît rien au sujet... tout arrive d'un coup. Vous vous retrouvez à faire des journées de 7 heures à 23 heures, sept jours sur sept, en ayant l'impression d'avoir le temps de ne rien faire. Vous ne comprenez pas ce qui vous arrive, vous devez gérer le succès : ne décevoir personne car plus on parle de vous, plus il faut assurer derrière. On a eu des moments un peu durs où l'on se demandait dans quoi l'on s'était embarqué. Je pense qu'en deux ans on a frôlé plusieurs fois le burn-out, voire le divorce. On peut le dire.

[…]

À la fin vous devenez des collègues. Le plus grand risque est là. À ne faire que ça, vous ne parlez plus que du travail. On s'est dit qu'il fallait absolument redevenir un couple.

Marine - Je viens d'apprendre que l'on avait frôlé le divorce… Je ne l'ai pas vécu de la même manière qu'Alexandre. Nous n'avons pas la même façon de réagir à la pression. J'ai plus de facilité que lui à faire la part des choses entre la vie professionnelle et l'intimité, peut-être parce que je l'avais déjà vécu auparavant, en travaillant pour ma maman.

[…]

Déléguer les tâches et se concentrer chacun sur sa spécialité a permis à Marine et Alexandre d'instaurer, dans leurs rapports professionnels, une distance qui s’est aussi avérée salvatrice pour leur vie de couple.

Alexandre - On a une chance assez folle, c'est que l'on est très bien entouré [...]. On a délégué. On a compris que l'on ne pouvait pas être partout. On a mis les gens là où ils avaient une plus-value, et nous, là où l'on en avait une. Typiquement, moi je n'ai aucune plus-value au service. Marine n'a pas de plus-value en comptabilité. On est chacun sur un domaine et on a appris à travailler ensemble sur un même but, à ne pas être partout à la fois.

Marine - Là on a trouvé un bon rythme, qui correspond plus à Alexandre. [...] On arrive à prendre beaucoup plus de recul qu'avant, notamment parce que l'on a une très bonne équipe qui nous épaule au quotidien. Il est important d'inclure d'autres personnes dans la boucle, que ça ne reste pas uniquement familial ou une histoire de couple."

L'avis de notre expert

En France, plus de 60% des entreprises sont de type familial. Un modèle qui oblige à conjuguer histoire personnelle et histoire collective, comme l'explique au micro d'Europe 1 Christian Lujan, psychologue-clinicien. "Les problèmes commencent souvent quand les logiques de reconnaissances, le positionnement, les rôles et les jeux de pouvoir ne sont pas parfaitement ajustés. Qui a le leadership ? Comment le cheminement s'orchestre ? Surtout, est-ce que chacun y retrouve ses investissements ?", interroge-t-il.

"Avec Marine et Alexandre, quelque chose de la complémentarité s'est mis en place", relève-t-il après avoir entendu le témoignage de notre couple. "Alexandre évoque des moments difficiles, et même la question du divorce. On voit bien que la perception de chacun, sur ce vécu, n'est pas forcément de la même nature." "Chacun traîne ses histoires de famille, et quand la famille est liée au terrain professionnel, il faut éviter la confusion des genres", avertit Christian Lujan.

>>> Retrouvez l'intégralité du témoignage de Marine et Alexandre