EgyptAir : une enquête particulièrement opaque

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Caroline Politi
Les autorités égyptiennes ont annoncé avoir retrouvés des traces de poudre sur certains passagers, ce qui laisse suggérer un attentat. Une information traitée avec beaucoup de prudence par les enquêteurs français.

Plus l’enquête progresse, plus les doutes s’intensifient. Qu’est-il arrivé au vol d’EgyptAir MS804, disparu en mer en mai dernier? Le ministère égyptien de l’aviation annoncé jeudi que des traces de poudre avaient été découvertes sur quelques-uns des 66 passagers. Une information qui suggère donc que l’avion se serait désintégré au large de la Crète à la suite d’un attentat.  

Les enquêteurs français privilégient la thèse de l’accident. Cette annonce a néanmoins été accueillie avec beaucoup de prudence par les autorités françaises. "En l'absence d'informations détaillées sur les conditions dans lesquelles ont été effectués les prélèvements et les mesures ayant conduit à la détection de traces d'explosifs, le BEA considère qu'il n'est pas possible à ce stade d'en tirer des conclusions sur l'origine de l'accident", a déclaré la porte-parole du bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile. D’autant que selon une source proche du dossier, les taux relevés présenteraient des "anomalies" : ils sont trop élevés compte-tenu des conditions dans lesquelles a été retrouvé l’avion.   

Jusqu’à présent, la thèse de l’accident a toujours été privilégiée par les enquêteurs français. Un incendie dans ou près du cockpit est notamment envisagé. Une poignée de minutes avant que l’avion ne quitte les écrans radars, des messages automatiques Acars signalant la présence de fumée ont été envoyés, a révélé l’analyse des boites noires. Le mot "feu" aurait également été entendu par un des enregistreurs de vol.

L’hypothèse d’une négligence. D’autres transmissions identiques avaient été émises à trois reprises dans les vingt-quatre heures précédant le crash. Comment ces signaux d’incidents ont-ils été traités ? L’appareil, mis en service en 2003, avait, dans la journée précédente, effectué un aller-retour à Asmara (Erythrée), puis un à Tunis, avant de s’envoler pour Roissy où il était arrivé à 22 heures, pour repartir un peu plus d’une heure plus tard. Les ingénieurs ont-ils pu, dans ce laps de temps, vérifier le système avant que l’appareil ne s’envole pour Le Caire?

Difficile à dire. L’enquête est entre les mains de l’Egypte et depuis le début de l’affaire, la communication est erratique et la coopération chaotique. Les dépouilles des quinze victimes françaises n’ont toujours pas été remises aux autorités. "D’habitude, lorsqu’il s’agit d’une enquête internationale, le partage d’informations est fluide et transparent. Là, c’est tout l'inverse", poursuit la même source.

L’annonce d’un possible attentat est-elle un moyen de se dédouaner d’éventuelles négligences ? L’hypothèse d’une attaque terroriste avait déjà été évoquée par l’Egypte. Et ce, bien qu’elle n’ait jamais été revendiquée. Les autorités avaient annoncé que des traces de poudre avaient été détectées sur des pièces de la carcasse de l’appareil. Mais pour les enquêteurs français, les débris avaient pu être contaminés par les sacs dans lesquels ils avaient été placés. "On est dans la manipulation", a dénoncé en France le secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (Fenvac) Stéphane Gicquel. Et d’ajouter : "Aucun élément n'accrédite la piste terroriste. Il s'agit d'un chantage de la part des autorités égyptiennes pour faire accréditer cette thèse et protéger la compagnie EgyptAir en rejetant la responsabilité sur Paris."