Lycée 2:51
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Angèle Chatelier, édité par Romain David , modifié à
Au micro d'Europe 1, Marion, 16 ans, qui s'assume depuis peu comme femme, évoque un quotidien douloureux au lycée, entre incompréhensions et moqueries. Actuellement, l'Education nationale ne prépare pas ses enseignants à accompagner ces élèves qui se sentent une identité de genre autre que celle associée à leur sexe.
TÉMOIGNAGE

Diffusé en décembre sur Arte, le documentaire Petite Fille, de Sébastien Lifshitz montre que la dysphorie de genre - c'est-à-dire le fait de ne pas se sentir en accord avec le sexe qui nous a été assigné à la naissance - peut commencer très jeune. Selon le Conseil de l’Europe, une personne sur 500 serait dans cette situation. Et, d'après les associations, 15.000 personnes en France se disent nées dans un corps qui ne correspond pas à leur identité de genre. Mais combien sont encore au collège ou au lycée ? Quelle attention leur accorde l'Education nationale ? Aujourd’hui, les professeurs et les directeurs d’établissements ne sont pas formés à accueillir leur parole ou leurs revendications, ce qui peut donner lieu à des situations particulièrement douloureuses.

Subir le regard de l'autre

Comment réagir lorsqu'un élève souhaite qu’on l'appelle par le prénom qu’il s'est choisi ? Ou lorsqu'il demande la mise en place de toilettes mixtes dans son établissement ? Marion, 16 ans, jean pat d’éph et maquillage rose sur les yeux, s’assume en tant que femme depuis un an, mais elle reste très fragile. Souvent au bord des larmes alors qu'elle évoque son quotidien compliqué au lycée, elle a préféré rester anonyme. "Les gens ne cherchent pas à comprendre et te jugent d’un seul regard. [...] Ils ne cherchent pas à comprendre qui tu es, enfin ce que tu as traversé pour en arriver là", raconte-t-elle à Europe 1.

"Je pense qu’il faudrait réaménager certaines choses pour faire en sorte que ces élèves se sentent mieux", poursuit Marion. "Vu que c’est assez récent, je n'ai pas vraiment pu mettre des mots sur tout ça. Il faut aussi que je fasse ma part du chemin pour que les autres en fassent de même", estime la jeune fille, qui dit continuer à subir des moqueries mais assure avoir réussi à prendre ses distances avec les réflexions de certains élèves. "Ça ne m’appartient plus, ça ne fait plus partie de moi parce que maintenant, je sais qui je suis et c’est le plus important."

"Il y'a des gamins qui sont passés à côté de nous, dont on n’a pas vu le mal être"

Si Marion se sent mieux aujourd’hui, c’est grâce à une enseignante qui a perçu son mal-être, l’a écoutée et soutenue. Si l'Education nationale ne nie pas l'existence de cette problématique, de fait, certains professeurs sont perdus car ils n’ont jamais rencontré de personnes transgenres dans leur carrière. Il n'y a aucune ligne directrice commune pour agir, ce que déplore Laurence Desmarez, secrétaire départementale du syndicat SNUEP-FSU. "C’est à la bonne volonté de chacun, un peu à la va comme j’te pousse, c’est-à-dire qu'on fait ce qu’on peut avec les moyens du bord", rapporte-t-elle. "Or ça serait vraiment génial si on pouvait avoir quelqu’un qui nous dit : 'attention, vous avez le droit de faire ça, mais ça vous ne pouvez pas le faire'." Et d'ajouter : "Je me dis qu'il y’a des gamins qui sont passés à côté de nous, dont on n’a pas vu le mal-être. Est-ce qu’il sont toujours là aujourd’hui ? On ne sait pas..."

Toutefois, le ministère de l'Education nationale prépare un guide à destination des professeurs et des directeurs d’établissement pour qu’ils sachent mieux accompagner les élèves trans. Mais les associations restent dubitatives sur le fait de pouvoir former plus d’un million de professionnels de l’éducation.