Des producteurs de cerise tirent la sonnette d'alarme en raison d'un moucheron invasif qui pond ses œufs dans les fruits rouges. 1:06
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avec AFP / Crédit photo : IZZEDDIN KASIM / ANADOLU AGENCY / ANADOLU AGENCY VIA AFP , modifié à
Des producteurs de cerises ont alerté jeudi sur les pertes attribuées aux attaques d'un moucheron contre lequel ils peinent à lutter depuis l'interdiction d'un insecticide. Ils réclament des indemnisations mais surtout "une solution digne et efficace qui [leur] permette de vivre de [leur] production".

Un "état de stress permanent" et beaucoup de "découragement" : des producteurs de cerises ont alerté jeudi sur les pertes attribuées aux attaques d'un moucheron contre lequel ils peinent à lutter depuis l'interdiction d'un insecticide. Une quinzaine de producteurs de cerises ont déchargé une tonne de fruits abîmés très tôt devant la sous-préfecture de Tournon-sur-Rhône, en Ardèche, ont-ils rapporté à l'AFP. "La situation devient ingérable pour les producteurs. L'idée, c'est d'alerter le gouvernement, de dire : mettez en place le plan de sauvegarde que vous avez prévu, (...), donnez-nous des solutions", a expliqué Benoît Nodin, secrétaire général du syndicat majoritaire FDSEA en Ardèche.

"30 à 40% de pertes" 

Ils réclament des indemnisations, mais surtout "une solution digne et efficace qui [leur] permette de vivre de [leur] production", car "on ne peut pas refaire une année comme celle que l'on est en train de vivre", a-t-il souligné. Ils sont affectés par des attaques de Drosophila suzukii, un minuscule moucheron invasif arrivé en France il y a une dizaine d'années. L'insecte se reproduit à une vitesse fulgurante et pond ses œufs dans les fruits rouges à maturité, particulièrement lorsque le temps est chaud et humide.

L'impact se fait surtout sentir pour les variétés les plus tardives, les producteurs évoquant de "30 à 40% de pertes par rapport à ce qui se trouve sur les cerisiers", selon Benoît Nodin, dont les vergers sont situés à Saint-Péray, dans le nord-est de l'Ardèche. D'après Sylvain Bertrand, du syndicat Jeunes agriculteurs, "quelques producteurs" accusent même 100% de pertes. Devant "l'urgence de la situation" et "la détresse des producteurs", le ministère de l'Agriculture se dit mobilisé "pour expertiser et documenter les pertes". Le gouvernement "étudie actuellement les soutiens, de toute nature, qu'il pourrait apporter", a indiqué le ministère dans un communiqué.

Un insecticide utile, mais jugé dangereux

Les arboriculteurs alertaient depuis des mois sur les conséquences de l'interdiction d'une molécule, le phosmet, utilisée pour lutter contre la Drosophila suzukii. La Commission européenne a refusé début 2022 de renouveler son homologation en raison de "risques inacceptables pour les opérateurs, travailleurs, passants et résidents", pointés du doigt par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). La décision relevait également "un risque aigu et chronique élevé pour les consommateurs" ainsi que pour la faune.

Les producteurs avaient déjà dénoncé l'interdiction en 2016 du diméthoate, également jugé toxique par les autorités sanitaires. Ils estiment que les insecticides qui leur restent ne sont pas assez efficaces, alors qu'ils doivent aussi faire face à la mouche méditerranéenne qui ne les "embêtait" plus depuis "50 ans", selon Sylvain Bertrand. "On a fait tout un tas d'expériences, avec des répulsifs à base d'ail, de l'huile essentielle de fougères, des piégeages massifs. On utilise aussi l'Exirel" - un produit qui a été autorisé à titre dérogatoire à une dose augmentée - et un insecticide d'origine végétale, le pyrèthre, "mais clairement ça ne marche pas", affirme le président des Jeunes Agriculteurs de l'Ardèche, arboriculteur à Bozas.

"Qu'est-ce qu'on fait en attendant ?" 

"La dernière solution proposée, c'est la technique de l'insecte stérile [qui consiste à élever en laboratoires des moustiques mâles, à les stériliser, puis à les lâcher sur le terrain, où ils vont stériliser les femelles sauvages, qui n'auront pas de descendance] mais elle demande encore deux ans d'expérimentation. (...) Qu'est-ce qu'on fait en attendant ?", s'interroge Benoît Nodin. "On a une vie infernale sur nos exploitations", décrit le producteur de 49 ans. "Le matin, on se lève à 5h pour ramasser les fruits à la fraîche. En journée, on fait le travail de tri, d'expédition et le soir, on s'occupe du sanitaire dans nos vergers. On est fatigués, dans un état de stress permanent."

Les producteurs sont "découragés", résume son collègue trentenaire. Il faudrait "qu'ils nous donnent des outils qui fonctionnent pour qu'on puisse travailler sereinement", peste Olivier Curel, de la FDSEA du Vaucluse. "Là, c'est de la non-assistance à profession en danger."