Dans des tranchées ou sur un lit d'hôpital, comment Maurice Genevoix a écrit "Ceux de 14"

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Manon Fossat
Une cérémonie a lieu mercredi en fin d'après-midi au Panthéon en présence du chef de l'Etat pour l'entrée de l'écrivain Maurice Genevoix au Panthéon. Son petit-fils, Julien Larère-Genevoix, revient au micro de Patrick Cohen sur la rédaction par son grand-père du célèbre ouvrage "Ceux de 14", durant la Grande Guerre.
INTERVIEW

L'écrivain Maurice Genevoix fait son entrée au Panthéon ce mercredi à 18 heures, jour de la commémoration de l'Armistice de 1918. En 2018, Emmanuel Macron avait fait savoir que l'académicien y ferait son entrée avec l'ouvrage Ceux de 14, qui raconte l'horreur de la guerre qu'il a vécue et rassemble en fait cinq récits : Sous VerdunNuits de guerreAu seuil des guitounesLa boue et Les Eparges. Son petit-fils Julien Larère-Genevoix, invité de Patrick Cohen, est revenu sur les conditions dans lesquelles l'écrivain a rédigé cette œuvre célèbre. 

A 24 ans, alors qu'il a intégré l'Ecole normale supérieure (ENS), Maurice Genevoix est en effet subitement plongé dans l'enfer des tranchées. Il est alors incorporé comme sous-lieutenant au 106e régiment d'infanterie et se met très vite à prendre des notes : "L'un des enseignants, le secrétaire général de l'Ecole normale supérieure, Paul Dupuy, avait demandé à tous ses élèves de lui écrire le plus souvent possible pour qu'il soit informé, mais aussi pour pouvoir donner des nouvelles aux uns et aux autres", raconte Julien Larère-Genevoix. C'est donc à partir de ces lettres et d'un carnet de notes quotidiennes que plus tard, l'écrivain va pouvoir écrire Ceux de 14, "avec la confiance également qu'il accordait à sa mémoire", précise son petit-fils.

"Parler pour ceux qui ne sont plus là"

Quand il commence à écrire, Maurice Genevoix est un survivant. Grièvement blessé en avril 1915 aux Eparges, dans la Meuse, il perd l'usage de sa main gauche : "Il va commencer à écrire depuis son lit d'hôpital parce que Paul Dupuy, justement, vient le voir et lui dit qu'il n'a pas le choix. Il en a la capacité parce qu'il est encore vivant et surtout il en a le devoir. Il doit parler pour ceux qui ne sont plus là", confie son petit-fils.

Mais son premier récit, Sous verdun, publié en 1916, est d'abord largement censuré, comme le raconte encore Julien Larère-Genevoix : "Il veut dire la vérité, il veut dire la guerre telle qu'elle est. Et son récit ne plaît pas à la censure parce qu'il ne faut pas dire que l'armée française panique, que parfois elle est mal organisée... Il ne faut pas dire non plus que les conditions sont extrêmement difficiles et que l'armée allemande a l'air beaucoup mieux préparée". Au total, plus de 20 feuillets manquent au moment de la parution de cet ouvrage. Ils pourront finalement être réintégrés quelques années après la fin de la Première Guerre mondiale.

Pour son petit-fils, il n'y a pas dans Ceux de 14 de recherche d'effets littéraires, non, ce livre "nous parle des soldats beaucoup plus que de la guerre en elle-même", assure-il avant de finalement citer l'extrait qu'il juge le plus marquant : "On vous a tués et c'est le plus grand des crimes. Vous avez donné votre vie, et vous êtes les plus malheureux. Je ne sais que cela : les mots que nous disions, les visages que nous avions parmi les autres visages. Et votre mort. Vous n'êtes guère plus d'une centaine et votre foule m'apparaît effrayante, trop lourde, trop serrée pour moi seul. Combien de vos gestes passés aurais-je perdu, chaque demain. Et de vos paroles vivantes et de tout ce qui était vous, il ne me reste plus que moi. Et l'image de vous que vous m'avez donnée".