Julia de Funès 2:58
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Antoine Terrel , modifié à
Si elle refuse d'accabler le gouvernement et sa gestion de la crise sanitaire, la philosophe Julia de Funès, invitée dimanche du "Grand rendez-vous Europe 1/Les Échos/Cnews", s'inquiète de la place prise par le thème de la santé "dans toutes les sphères sociales", et met en garde contre le risque d'une société "hygiéniste".
INTERVIEW

Alors que l'épidémie de coronavirus continue de frapper la France, l'année 2020 qui touche à sa fin aura été bien évidemment marquée par la longue crise sanitaire et la mise en place des deux confinements, ainsi que par les restrictions d'une ampleur inédite qui les ont accompagnées. Au point de faire basculer la société dans une nouvelle ère dominée par les injonctions hygiénistes ? C'est en tout cas ce que craint la philosophe Julia de Funès, invitée dimanche du Grand rendez-vous Europe 1/Les Échos/Cnews.

Un gouvernement liberticide ? 

Plus de neuf mois après la mise en place du premier confinement, la question de la proportionnalité des mesures adoptées tout au long de la crise sanitaire continue de faire débat. Auteure de plusieurs tribunes dans lesquelles elle s'inquiétait de la place toujours plus grande de la "bureaucratie" et d'une "'légalomanie' toujours plus forte", Julia de Funès a "eu le sentiment qu'au début du premier confinement, on était assez docilisé, chapeauté".

Toutefois, reconnaît-elle, "lors du deuxième confinement, on a vu que les Français n'étaient pas si soumis que cela, et il y a eu un juste milieu entre une certaine liberté individuelle et la mission de l'État de protéger et de sécuriser les choses". "Il y a eu de la part du gouvernement un certain recul, une prise de conscience", dit encore l'invitée d'Europe 1. Aussi, estime-t-elle, "il est aujourd'hui difficile de penser qu'on est dans un gouvernement liberticide". 

Le danger ? "Que le pouvoir se transforme en bio-pouvoir"

Reste qu'au moment de tirer le bilan de l'année 2020, Julia de Funès est frappée de voir "à quel point l'hygiénisme et la santé rentrent dans le pouvoir". Pour la petite-fille de Louis de Funès, "ce qui est dangereux, c'est que le pouvoir se transforme en 'bio-pouvoir'". 

Une santé toujours plus au centre des préoccupations, et ce alors que les professionnels du secteur déplorent depuis des années la baisse des moyens à leur disposition. "C'est le paradoxe inouï, les moyens sont moindres, mais la moralisation sur l'hygiène est d'autant plus importante", fait remarquer Julia de Funès.

"La santé prend la place dans toutes les sphères sociales"

"Ce qui est le plus grave, poursuit l'intellectuelle, c'est cette uniformisation de la santé, cette moralisation. Elle est devenue une morale. La vie saine est la vie bonne".

Et Julia de Funès de continuer son énumération. "La santé est devenue du civisme, nos comportements sociaux sont dictés par les gestes barrières. Elle est devenue politique, puisque les politiques se sont énormément appuyés sur les conseils scientifiques". Au final, conclut-elle, "la santé prend la place dans toutes les sphères sociales, et c'est ce qui me semble le plus inquiétant".