Comment Maggy Biskupski était devenue le visage des "policiers en colère"

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La présidente de l’association Mobilisation des policiers en colère (MPC), a été retrouvée morte lundi à son domicile après un probable suicide. Depuis deux ans, elle incarnait la colère des policiers, en dehors des syndicats, ce qui lui avait valu une procédure de l’IGPN.

C’est une voix chargée d’émotion et de colère qui s’est tue lundi soir. Maggy Biskupski, 36 ans, présidente et fondatrice de l’association Mobilisation des policiers en colère (MPC), a été retrouvée morte à son domicile de Carrière-sous-Poissy, dans les Yvelines, lundi soir, avec à ses côtés une lettre et son arme de service. Un probable suicide donc, pour celle qui était devenue en deux ans l’incarnation médiatique de la souffrance et du malaise des policiers.

D'après les informations d'Europe 1, Maggy Biskupski aurait envoyé un message à ses collègues de travail en fin de journée lundi, dans lequel elle indiquait ses intentions de passage à l'acte, sans en préciser les raisons. Deux enquêtes ont été ouvertes par le parquet de Versailles, l’une pour déterminer les circonstances exactes de la mort, l’autre pour "abus de confiance" concernant l’association MPC. Car d'après une source interne, Maggy Biskupski aurait reconnu il y a quelques jours avoir détourné quelques milliers d'euros, a précisé une source interne à Europe 1. D'après l'un des proches contacté par Europe 1, la policière, d'un naturel anxieux, aurait redouté que cela soit rendu public et a craint de perdre son statut au sein de l'association ainsi que son emploi au sein de la BAC. 

Un mouvement lancé après l'attaque de policiers à Viry-Châtillon

C’est après la terrible attaque de deux policiers au cocktail Molotov, le 8 octobre 2016 à Viry-Châtillon, que l’association MPC a été créée. Quelques jours après cette agression, qui a laissé un adjoint de sécurité dans un état grave et une policière grièvement blessée aux mains et aux jambes, un mouvement de fronde inédit était apparu dans les rues des forces de police. Beaucoup avaient choisi de braver leur devoir de réserve et avaient manifesté pendant plusieurs semaines pour exprimer leur "malaise" face à la "haine anti-flics", et dénoncer leur manque de moyens.

Maggy Biskupski, elle, avait choisi avec d’autres, de lancer une association en dehors des syndicats traditionnels. Choisissant d’afficher, plutôt qu’une colère froide, une souffrance digne face aux caméras, tranchant avec le profil habituel des policiers intervenant dans les médias, cette membre de la BAC des Yvelines s’était rapidement fait une place de choix dans les médias. Elle était notamment face à Yann Moix fin septembre sur C8 quand le chroniqueur de Thierry Ardisson avait accusé les policiers de ne pas avoir "les couilles d'aller dans des endroits dangereux".

Une tension avec les syndicats

Cela n’avait pas été sans provoquer l’agacement, au moins, des syndicats de police, peu habitués à laisser la place à d’autres porte-voix. Une tension qui s’était sentie à la mi-octobre 2018, quand Maggy Biskupski et le vice-président de MPC, Guillaume Laubeau, avaient reçu des primes de résultats exceptionnels. "Leur violence verbale n'est qu'une façade. En réalité, ils sont chouchoutés par l'administration qui pense casser les syndicats", grinçait un responsable syndical auprès du Point. "Pourtant, quand vous consultez leur compte Facebook, la porte-parole de ce collectif n'hésite pas à affirmer qu'il faut renvoyer les migrants chez eux. C'est une position politique, pas syndicale. Si un syndicat républicain prônait une telle position, cela susciterait un tollé. Et le ministère de l'Intérieur laisse faire !".

Cela n’a toutefois pas empêché  Linda Kebbab, la déléguée nationale d’Unité SGP Police, de rendre hommage à la jeune femme sur Twitter, au nom de son syndicat.

"Alliance apprend avec tristesse le décès de notre collègue. Nous avons une pensée pour ses amis, sa famille, ses proches et nous associons à leur tristesse", a par ailleurs déclaré à l'AFP Jean-Claude Delage, le secrétaire général du syndicat. Synergie-officier a de son côté salué la mémoire d'une "militante sincère et engagée".

Sous le coup d’une procédure de l’IGPN

Maggy Biskupski et Guillaume Laubeau étaient en outre sous le coup d’une procédure de l’IGPN, pour manquement à leur devoir de réserve. Seuls les syndicats reconnus ont en effet le droit de s’exprimer au nom des policiers. Ce qui n’avait pas réfréné son activisme. "On est arrivés à un point où nous flics, nous ne nous sentons plus utiles. Alors quand je suis reçue à l'IGPN, je garde le cap", expliquait-elle dans C à vous sur France 5 en janvier dernier.

La classe politique réagit

"C'était une engagée. On pouvait ne pas être d'accord avec elle (...) mais c'était une engagée pour une cause, celle de défendre les policiers", a réagi mardi sur BFMTV le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. Le président des Républicains Laurent Wauquiez l'a qualifiée dans un tweet de "symbole d'une police à bout", "elle portait le combat de ceux qui nous protègent au quotidien. Nous n'avons pas su la protéger", a-t-il déclaré. Le député LR Eric Ciotti a, lui, exhorté dans un tweet à "donner tous les moyens" aux policiers après cette expression de "souffrance". Pour Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, ce "suicide (...) est le terrible symbole de la souffrance des policiers qu'elle dénonçait inlassablement".

Son "suicide alourdit la trop longue liste des policiers morts des conséquences de leur souffrance au travail", a abondé Benoît Hamon, le fondateur du mouvement Générations. "Vite une commission d'enquête" sur les suicides des policiers et des gendarmes, pour "agir contre cette souffrance", a réclamé dans un tweet le député de La France insoumise Alexis Corbière, rendant lui aussi hommage à "une voix forte décrivant le quotidien difficile de sa profession".