Sandrine Desliard, cheffe BNRDF et son adjoint Olivier Lejeune avec Guillaume Hézard, chef OCLCIFF. 2:09
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Guillaume Biet, édité par Mathilde Durand , modifié à
Créée il y a tout juste dix ans, la Brigade de répression de la délinquance fiscale de la DCPJ a mené les retentissantes affaires Google, "Panama papers" mais aussi épinglé des centaines de gros fraudeurs fiscaux. Europe 1 a rencontré ses enquêteurs dans leur bureau de Nanterre, en région parisienne.
REPORTAGE

Ils partagent le même petit bureau au 8ème étage de la direction centrale de la police judiciaire, à Nanterre. Clémence(*) et Laurent(*) sont tous deux entrés au sein de la Brigade de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) la même année, en 2013, mais leurs parcours sont totalement différents. Pourtant, Clémence la policière, et Laurent l'inspecteur de l'administration fiscale, ont aujourd'hui les mêmes missions et mêmes pouvoirs d'enquête judiciaire. "C'est une vraie complémentarité", souligne Clémence face à Laurent, officier fiscal judiciaire et désormais son chef de groupe.

Leur duo est à l'image de la BNRDF : un service d'enquête judiciaire composé à quasi parité de policiers et de fonctionnaires de l'administration fiscale, formés aux techniques d'enquête. C'est la grande particularité de cette brigade, créée en novembre 2010. "Cela a permis d'être plus efficaces dans des cas où l'administration fiscale était à la peine et où les moyens de l'enquête judiciaire étaient nécessaires pour découvrir la réalité des faits et confondre des fraudeurs et ceux qui les aident à mettre en place ces montages ou à blanchir leurs fonds", explique le commissaire divisionnaire Guillaume Hézard, ancien patron de la BNRDF et aujourd'hui à la tête de l'office anti-corruption (OCLCIFF) qui la chapeaute.

Clémence(*) et Laurent(*), enquêteurs à la BNRDF.

© Sicop/Police nationale

Un milliard d'euros dissimulés par deux demi-soeurs

Au total, un cinquantaine d'enquêteurs traquent ici depuis dix ans les plus gros fraudeurs fiscaux. La grande majorité des dossiers concernent des particuliers :chefs d'entreprise, héritiers ou encore riches personnalités qui dissimulent une partie de leur fortune dans des paradis fiscaux. Ils ne sont pas les seuls dans le collimateur. "On s'intéresse aussi à tous les facilitateurs de la fraude fiscale ou de son blanchiment, des officines qui mettent au service du contribuable classique des solutions de fraude fiscale ou de sociétés offshore avec des comptes bancaires à l'étranger et des cartes de paiement en France", précise Olivier Lejeune, administrateur des finances publiques adjoint et chef adjoint de la BNRDF.

"Nous travaillons à partir de signalements, d'indics ou encore de dénonciations", détaille-t-il. "Un jour, nous avons reçu une clé USB qui contenait 150 documents, que nous avons exploités. Et nous en sommes arrivés à la détention par deux soeurs, résidentes françaises, d'une fortune évaluée à plus de 500 millions d'euros chacune, via des trusts situés aux Etats-Unis notamment". Une enquête aux chiffres hors normes et qui devrait prochainement être tranchée par la justice.

Le retour à la réalité

Le point commun des fraudeurs fiscaux est qu'ils ne s'attendent pas à voir débarquer la police chez eux pour ce type d'infraction, souligne la commissaire divisionnaire Sandrine Desliard, nouvelle cheffe de la brigade. "Quand on fait un montage financier qui implique sa famille, sa propre épouse, ses enfants, que la police commence à vouloir les interroger, voire les placer en garde à vue ou faire des perquisitions à leur domicile, d'un seul coup, tout prend son sens et prend surtout une réalité inattendue pour eux", assure-t-elle. "Il arrive régulièrement qu'après notre passage, il y ait une volonté soit de régulariser la situation soit de négocier avec les juges ou directement avec l'administration fiscale."

90% des enquêtes menées par la BNRDF se font en coopération internationale pour débusquer les fonds dissimulés à l'étranger. Si la volonté des fraudeurs reste intacte, les conditions d'enquête ont nettement évolué ces dix dernières années, constate Guillaume Hézard. "On a pu mettre en place des opérations coordonnées entre la France et la Belgique, le Luxembourg, même la Suisse qui nous ont permis d'avancer comme jamais dans la démonstration de la vérité alors qu'auparavant c'était impensable. Dans le même temps, on a constaté des évasions plus lointaines dans des paradis fiscaux comme Dubaï, Hong-Kong, Singapour… ".

Dans les mois à venir, la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale devrait devenir un office à part entière, tel que le prévoit le Livre blanc sur la sécurité intérieure, tout juste dévoilé.

(*) les prénoms ont été changés