Cinq ans après son adoption, le "mariage pour tous" en chiffres

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Le 29 mai 2013, Vincent Autin et Bruno Boileau ont été le premier couple gay à jouir de leur nouveau droit au mariage. © GERARD JULIEN / POOL / AFP
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Le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe a été définitivement adopté le 23 avril 2013. Cinq ans après, les mariages sont nombreux mais l'adoption reste difficile d'accès.

Le 23 avril 2013, l'hémicycle de l'Assemblée nationale est plein à craquer. À l'issue de longues semaines de débats éreintantes et chahutées, 331 députés votent pour la loi Taubira qui ouvre le mariage aux couples de même sexe. Cinq ans plus tard, Europe 1 se penche sur les effets concrets du texte. Entre de nombreuses unions et quelques divorces, seule une poignée de couples a pu adopter un enfant. Et bien que le mariage gay soit passé dans les mœurs, l'homophobie n'a pas pour autant reculé.

De nombreux mariages…

Depuis le 23 avril 2013, près de 40.000 couples homosexuels sont passés devant le maire, selon l'Insee. Le premier d'entre eux, formé par Vincent Autin et Bruno Boileau, s'était passé la bague au doigt dès le 29 mai 2013. Aujourd'hui, les tendances sont plutôt stables, après un pic à plus de 10.500 mariages en 2014. Environ 7.000 mariages gays et lesbiens sont prononcés chaque année, soit 3% du total. "C'est entré dans les mœurs. On s'étonne de moins en moins d'un mariage entre deux hommes ou deux femmes", se félicite Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l'Inter-LGBT.

Par ailleurs, le nombre de PACS entre personnes de même sexe est stable lui aussi, à environ 7.000 par an, selon les derniers chiffres disponibles. En revanche, impossible de savoir combien il y a de divorces, car les statistiques sur le sujet ne distinguent pas les couples homosexuels des couples hétérosexuels.

…mais très peu d'adoptions

L'une des conséquences phares du mariage pour les couples de même sexe était la possibilité d'adopter un enfant. Un droit qui, cinq ans plus tard, reste très théorique. "Il n'existe pas de chiffres officiels, mais le nombre de couples qui ont pu adopter en France ou à l'étranger est inférieur à dix", assure Nicolas Faget, porte-parole de l'Association des parents gays et lesbiens (APGL).

De fait, la procédure reste compliquée en France, puisque ce sont des "conseils de famille" composés, entre autres, d'élus du conseil départemental, qui examinent les dossiers des parents ayant obtenu un "agrément" préalable. Or, certains de ces élus étant ouvertement contre le mariage pour tous, les démarches semblent parfois bloquées. "On n'a rien contre les couples de mêmes sexe, mais tant qu'on aura des couples jeunes, stables, avec un père et une mère, on les privilégiera", assume Jean-Marie Müller, qui préside le conseil de famille de Meurthe-et-Moselle. Certaines associations réclament d'ailleurs une anonymisation des dossiers afin d'éviter les discriminations.

Quant à adopter à l'étranger, ce n'est pas plus simple. De nombreux pays refusent l'adoption par les couples homosexuels. Et plus globalement, les démarches deviennent de plus en plus complexes et longues. Depuis 2013, le nombre d'enfants adoptés à l'étranger a chuté de 50%, selon le ministère des Affaires étrangères. En Afrique du Sud, l'un des rares pays à accepter les adoptions par les couples de même sexe, un seul enfant a pu être remis à une famille française l'année dernière. C'est toujours plus qu'au Mexique, où aucune adoption n'a été conclue depuis 2014.

Des mariés plus âgés…

Les couples de même sexe se marient en général plus tard que les couples hétérosexuels, selon les derniers chiffres de l'Insee disponibles (qui portent sur l'année 2016). Chez ces derniers, on observe un pic d'unions à partir de 28 ans et jusqu'à 32 ans pour les hommes, entre 26 et 31 ans pour les femmes. Du côté des couples gays, c'est après 40 ans. Pour les femmes lesbiennes, entre 27 et 39 ans.

…et (légèrement) plus urbains

L'Insee nous apprend également que les mariages homosexuels sont un peu plus souvent célébrés dans les grandes villes que les unions hétérosexuelles. C'est d'ailleurs particulièrement vrai chez les hommes gays : 18,7% des couples se marient en milieu rural, contre 23% de couples lesbiens et 22,7% de couples hétérosexuels. À l'inverse, Paris accueille 25,8% des mariages gays, à comparer avec 13,5% des mariages lesbiens et 16,6% des mariages hétérosexuels. Enfin, 26,6% des hommes de même sexe convolent dans une ville de plus de 200.000 habitants, contre 28,16% des femmes lesbiennes et 23,8% des couples hétérosexuels.

Le mariage homosexuel bien accepté…

Les derniers sondages réalisés montrent que le mariage pour tous est entré dans les mœurs. L'Ifop, missionné par l'Association des familles homoparentales pour faire plusieurs études, a ainsi conclu en 2016 que 63% des Français voyaient les parents homosexuels ayant des enfants comme "une famille à part entière". Soit une hausse de deux points en deux ans. Par ailleurs, 62% des sondés étaient contre l'abrogation de la loi Taubira en 2016, un bond de cinq points sur la même période.

L'année suivante, ces questions ne figuraient même plus dans le sondage de l'Ifop. Mais les réponses sur la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes homosexuelles célibataires, ou la légalisation de la gestation pour autrui (GPA), sont tout aussi éloquentes. En 2017, 60% des Français étaient favorables à l'élargissement de la PMA aux couples lesbiens. Ils n'étaient que 47% en 2013. La PMA pour les femmes homosexuelles célibataires était approuvée par 49% des sondés, en hausse d'un point sur une année. Quant à la légalisation de la GPA pour les couples de même sexe, 44% des Français s'y disaient favorables, soit 3 points de plus qu'en 2014.

…mais l'homophobie toujours prégnante

Si le mariage pour tous et les familles homoparentales entrent peu à peu dans les mœurs, cela ne freine pas pour autant l'homophobie. Selon le rapport 2017 de SOS Homophobie, 212 agressions physiques à caractère homophobe ont été recensées en 2016 en France, soit une hausse de 20 %. Un "triste et malheureux" constat pour l'association, qui souligne par exemple que "la fin des débats sur le mariage pour tous n'a pas endigué la lesbophobie" et que les attaques "gayphobes" ont "significativement augmenté".