Ces 6 transgenres (connus et moins connus) qui ont marqué l'histoire

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Bambi, meneuse de revue à Paris après la Seconde guerre mondiale, a toujours détesté le prénom de garçon qui lui a été donné à la naissance. © Capture d'écran
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Alors que le film "Nos années folles" sort mercredi en salles, Europe 1 vous présente six personnes transgenres qui ont marqué l'histoire. 

Dans le Paris des années 1920, Paul, déserteur de la Première guerre mondiale, doit se travestir en femme pour échapper au peloton d'exécution et devient Suzanne, un changement identité auquel il prend goût. Voilà l'histoire de "Nos années folles" qui sort mercredi, le dernier film d'André Téchiné inspiré de faits réels. Si le terme "transgenre" n'est apparu que dans la deuxième moitié du 20e siècle, la réalité que recouvre ce mot est, elle, bien plus ancienne. Europe 1 vous fait découvrir six personnes transgenres qui, dans le passé, ont assumé leur identité, parfois en luttant pour leur droit, non sans mal.

L'Abbé de Choisy devient Madame de Sancy. Abbé mais aussi licencié en théologie, écrivain et académicien… sur le CV, rien n'indique que François-Timoléon de Choisy, né en 1644, était en fait transgenre. A l'âge de 20 ans, il reçoit la direction d'une abbaye de Bourgogne mais il préfère fuguer pour rejoindre une troupe de théâtre. A une époque où les rôles de femmes sont joués sur scène par des hommes, François-Timoléon se prend de passion pour les rôles d'héroïnes de tragédie. Une fois orphelin, l'abbé, qui vit de son héritage, devient à Paris "Madame de Sancy". Rubans, mouches, airs coquets, beaux atours… la jolie demoiselle ne se refuse rien. Moquée dans des lettres anonymes mais aussi dans les gazettes, inquiétée aussi par les critiques d'un membre influent de la Cour, elle finit en province où elle devient "la comtesse des Barres". A 39 ans cependant, après avoir frôlé la mort, l'abbé revient définitivement aux vêtements masculins et se lance dans une carrière prolifique d'écrivain.

Mademoiselle Rosette, considérée comme démente. Pierre-Aymond Dumoret, née en 1678, a dû se battre contre vents et marées pour faire accepter son genre. "Mademoiselle Rosette" a toujours été persuadée d'être une femme. Rejetée par ses parents, Dumoret devient précepteur mais, surpris à plusieurs reprises en habits de femme, il se fait renvoyer de toutes les maisons où il enseigne. "Rosette" s'obstine malgré tout. Elle se fabrique de faux seins, se passe les joues à la pierre ponce pour faire disparaître sa barbe et va jusqu'à s'enchaîner le sexe. Une pratique qui lui sera fatale puisque en 1725, Dumoret tombe en syncope et meurt peu de temps après. Son cas sera à l'origine d'une grande affaire judiciaire puisque sa famille parviendra à faire casser son testament pour cause de démence. "Mademoiselle Rosette" y léguait tous ses biens à un hôpital.

Le chevalier d'Eon en robe à panier à la cour de Versailles. C'est de manière très classique que Charles de Beaumont, chevalier d'Eon, vit sa jeunesse au 18e siècle en France. Issu d'une famille de la noblesse de robe, avocat de formation, le réseau qu'il se constitue alors à Paris lui permet d'intégrer le "cabinet noir" du roi Louis XV. Concrètement, Charles de Beaumont entame une carrière de diplomate et d'espion. Entre Saint-Pétersbourg et Londres, il se grime et s'habille en femme, par nécessité mais aussi pour le plaisir.

Simple travestissement ? Nullement, à en croire ses contemporains qui le croient fou ou à en croire le chevalier d'Eon lui-même. Il finit en effet par se définir comme une femme et se présente même à la cour de Versailles en 1777 en robe à panier et corset avec la bénédiction du roi en personne. Dans son autobiographie, il est cependant plus ambigu, expliquant être né avec le sexe caché et que le médecin avait été incapable de définir son sexe. Son rapport d'autopsie, après sa mort en 1810 à l'âge de 81 ans, est plus clair, la "vieille dame" a des "organes mâles (...) parfaitement formés sous tous les rapports".

Madeleine Pelletier, un médecin en chapeau melon. Née au 19e siècle dans une famille pauvre de Paris, Madeleine Pelletier prend vite conscience de sa condition de femme, à l'époque mineure éternelle dépourvue de tout droit civique. Pour résoudre le problème, elle prend la décision de porter le pantalon, ce qui alors était interdit aux femmes, sauf autorisation exceptionnelle du préfet (ce qu'elle se garde bien de demander). Commence alors une vie de militantisme pour faire progresser les droits des femmes entre droit de vote et avortement.

Sa plus grande victoire ? Avoir passé le concours de médecine, alors ouvert seulement aux hommes. Elle devient ainsi en France la première femme interne des asiles. Mais malmenée par ses confrères, elle fait un choix radical en 1905 : elle se coupe les cheveux et prend une tenue d'homme, canne et chapeau melon compris. Devenue médecin, elle continue cependant à être rejetée, les seuls patients acceptant de la consulter étant des prostituées. Victime d'un accident cérébral et handicapée, elle meurt dans un asile en 1939, oubliée de tous.

Mathilde de Morny, la "Missy" chérie de Colette. Restée dans l'histoire littéraire pour avoir été la "Missy" de Colette, Mathilde de Morny, issue d'une ascendance prestigieuse (l'impératrice Joséphine, Talleyrand et peut-être même un tsar de Russie), a été une célébrité de la Belle époque. Contrairement à Madeleine Pelletier qui portait le pantalon pour se libérer du carcan alors imposé aux femmes, "Missy", elle, affichait ouvertement ses amours lesbiens. Celle qui se faisait aussi appeler "Max" ou "Monsieur Le Marquis" portait des caleçons d'homme, le complet veston, fumait des cigares et ira jusqu'à se faire retirer l'utérus et les seins.

Fortunée, elle entretient plusieurs maîtresses, dont Colette. Avec cette dernière, elle crée même un scandale en 1907 en jouant sur scène une pantomime. L'écrivaine y joue une momie, réveillée par le baiser d'un égyptologue, joué par… Mathilde de Morny. En 1944, isolée et désargentée, elle se suicide.

Bambi, de meneuse de revue au professorat. Des six personnalités qu'Europe 1 vous fait découvrir, elle est la seule encore en vie. Âgée de 81 ans, Bambi, de son nom de scène, a été une célèbre meneuse de revue dans les années 1950, notamment au célèbre cabaret de la butte Montmartre, Madame Arthur. Née en Algérie, Jean-Pierre Pruvot "détestait son prénom", explique Bambi dans un documentaire qui lui est consacré en 2013. Une fois à Paris, elle "se consacre à la scène", un moyen de "se découvrir" elle-même. Puis, en 1958, saute le pas en se faisant opérer. Elle devient alors Marie-Pierre.

 

A 33 ans, elle quitte le monde du spectacle, suit des études de lettres et devient professeur de français. Une vie plus anonyme qui ne l'a pas empêché de militer. "Ce qui est important, c’est que les gens sachent que nous avons notre dignité et notre honneur, que nous voulons vivre dans la société sans moins de facilité que le monde hétéro, que nous voulons pouvoir être connu.e.s pour notre identité de genre sans susciter de mise à l’écart", expliquait-elle à Yagg en 2015.

Transgenre ? Travesti ? Transsexuel ? Ces trois termes sont parfois confondus pour désigner les personnes dont le sexe ne correspond pas au genre ressenti. Le mot "travesti" est sans doute le plus simple à saisir puisqu'il désigne une personne se déguisant en portant les vêtements du sexe opposé. Le mot "transsexuel" a une connotation psychiatrique puisqu'il renvoie au "transsexualisme", un terme médical qui désigne des troubles de l'identité sexuelle. Un transgenre, enfin, est une personne qui adopte l'apparence et le mode de vie de l'autre genre, mais sans pour autant changer de sexe.