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Noémie Loiselle, avec AFP / Crédit photo : OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP , modifié à
2.000 personnes ont manifesté à Saint-Étienne à l'appel de l'intersyndicale de Casino, pour défendre leurs emplois, alors que l'entreprise est en très grande difficulté financière. Beaucoup de salariés craignent une éventuelle casse sociale. Europe 1 est allée à leur rencontre.

"Ca risque d'être un désastre": à Saint-Etienne, l'inquiétude régnait dimanche dans un défilé de soutien à Casino, à l'appel de l'intersyndicale pour sauver les emplois du groupe de distribution, profondément ancré dans la vie locale depuis sa création il y a 125 ans et désormais menacé de démantèlement. Le cortège réunissant 1.650 personnes, selon les autorités, 3.000 à 4.000 selon les syndicats, s'est élancé en fin de matinée sous un ciel bleu et un soleil d'hiver, par 2°C au départ du siège imposant du groupe, long paquebot de verre sis face à la gare TGV.

Eviter "un nouveau Manufrance"

La marche a duré deux heures, à l'appel de l'intersyndicale FO, CGT, CFDT, UNSA et CFE-CGC, mobilisée face aux difficultés du groupe placé fin octobre en procédure dite de sauvegarde accélérée afin de mettre en œuvre la restructuration de sa dette, insoutenable. Au changement d'actionnariat, avec à l'horizon mars-avril 2024, une prise de contrôle par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, le Français Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds britannique Attestor, s'ajoute la peur d'une vente "à la découpe".

"Messieurs Macron, Kretinsky, Ladreit de la Charrière, des milliers de personnes comptent sur vous ici à Saint-Etienne pour conserver leur emploi", lance Jean Pastor (CGT), un des porte-paroles de l'intersyndicale, à l'issue du défilé. Depuis des mois, tous se mobilisent pour éviter "un nouveau Manufrance" à Saint-Etienne, ville de 170.000 habitants menacée d'asphyxie économique. Ici, la liquidation de la société de vente par correspondance en 1985 - près de cent ans après sa création - a laissé un souvenir cuisant, tout comme, une décennie plus tard la fermeture par l'État de sa manufacture d'armes militaires.

"Casino est un symbole"

"On vit par et pour Casino. Ca risque d'être un désastre", explique Thierry Renaud, patron quadragénaire d'une imprimerie dépendant à 80% du groupe de grande distribution. "Casino est un symbole", c'est "le groupe qui a su donner du travail à des milliers d'artisans et d'entreprises" de la région, affirme l'ancien député LR de la Loire Dino Cinieri, également ex-patron d'une société de sécurité dont l'enseigne fut longtemps le plus gros client.

Comme lui, de nombreux élus locaux ont rejoint le défilé réunissant des employés du groupe, des sous-traitants et des habitants de la région. Les syndicats avaient aussi appelé à la mobilisation "les joueurs et supporters de l'AS Saint-Etienne", en mémoire des liens anciens qui unissent le groupe au club qui connut des heures de gloire avant sa relégation en Ligue 2. Le stade de Saint-Etienne, le bouillonnant "chaudron", porte le nom de Geoffroy Guichard, l'épicier qui fonda le groupe en 1898.

"Le bateau coule"

Véronique Molinski, âgée d'une soixantaine d'années est venue défiler par solidarité, écharpe verte au cou, aux couleurs de l'équipe stéphanoise: "Beaucoup de gens de ma famille y ont travaillé et je suis une cliente fidèle" de Casino, explique-t-elle. Parallèlement à son implication dans les clubs sportifs locaux, le distributeur a joué un rôle dans la construction, en 1987, du Musée d'art moderne et contemporain de la ville, par l'architecte Didier Guichard, un des descendants du fondateur. "Comment avons-nous pu en arriver là ? Aujourd'hui le bateau coule, en 2024 Casino n'existera peut-être plus et nos emplois vont disparaitre", lance, en sanglots, Nathalie Devienne (FO), une des porte- paroles de l'intersyndicale.

Une offre que Carrefour aurait fait pour "acquérir, en plus de quelques supers et hypers de Casino, 7.000 petites supérettes de proximité sous les enseignes Petit Casino, Vival, Spar ou Sherpa", selon le site internet des Échos, suscitait dimanche l'étonnement et la colère. "On a l'habitude d'apprendre par la presse beaucoup de choses concernant notre entreprise, mais là on ne s'y attendait pas", commente Nathalie Devienne. "D'autant plus que lorsque nous avons rencontré mardi Philippe Palazzi (ndlr : un représentant du consortium de repreneurs conduit par Daniel Kretinsky), il nous a affirmé que seuls les hypermarchés et les supermarchés étaient en vente", souligne Jean Pastor.

L'intersyndicale a appelé à une mobilisation nationale dans les entrepôts Casino vendredi et dans les magasins samedi.