Biodiversité : les dangers de l’artificialisation des sols

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© FRED TANNEAU / AFP
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Nicolas Hulot a présenté vendredi un plan pour protéger la biodiversité en France. La lutte contre la transformation de zones naturelles en zones bâties, dont le rythme est soutenu, y prendra une large place.

Nicolas Hulot veut frapper fort. Le ministre de la Transition écologique a présenté vendredi après-midi à Marseille un plan pour préserver la biodiversité en France. En mars, il avait publiquement déploré que ce sujet, "très sincèrement, tout le monde s'en fiche, à part quelques-uns". C’est à ce constat qu’il compte s’attaquer. Parmi les mesures que l’ancien animateur a annoncé, certaines concernent l’artificialisation des sols. Pascal Canfin, président de WWF France, a affirmé vendredi sur Europe 1 qu’il s’agissait là de "la première cause" de la disparition de la biodiversité en France. Pourtant, le problème reste encore largement méconnu. Europe 1 vous en dit plus.

L’artificialisation des sols, qu’est-ce que c’est ?

Il s’agit du changement, par l’action humaine, de l’usage d’un sol. "Cela peut être un sol naturel transformé pour un usage agricole, ou un terre agricole modifiée dans le cadre d’un projet industriel ou d’habitation", précise à Europe 1 Solène Demonet, chargée du programme sol au sein France Nature Environnement (FNE). L’association, parmi d’autres, tire depuis longtemps la sonnette d’alarme sur ce problème. "C’est très encourageant que le sol commence à devenir un sujet. Il faut une vraie prise de conscience", se félicite la jeune femme.

Quelle ampleur prend le phénomène ?

Selon le ministère de la Transition écologique et solidaire, les espaces artificialisés occupent 51.603 km2 en 2015, soit 9,4 % du territoire métropolitain. Mais c’est leur expansion qui interpelle, car elle est "plus rapide que l’augmentation de la population, caractéristique principale de l’étalement urbain", selon le ministère. Entre 2006 et 2015, l’artificialisation s’est accrue 1,4% plus vite en moyenne par an que la population en France métropolitaine. Durant la même période, les zones artificialisées se sont accrues de 5.916 km. Une surface équivalente au département de Seine-et-Marne, relève l'Observatoire national de la biodiversité.

"On grignote petit à petit sur les terres agricoles et naturelles", s’inquiète Solène Demonet. Alors même que la décennie passée n’a pas été aussi dévastatrice que cela. "On a remarqué une petite pause à partir de 2008, on s’est dit qu’il y avait peut-être eu une prise de conscience", explique la militante de FNE. "Mais en fait, en raison de la crise économique, l’activité du BTP s’était ralentie. Depuis 2015, avec la reprise, l’artificialisation a repris de plus belle".

Pourquoi cela menace-t-il la biodiversité ?

L’artificialisation des sols menace la biodiversité de plusieurs manières. Et même quand un sol naturel est transformé en terre agricole, des problèmes surgissent. "Nous avons un modèle agricole qui n’est pas bénéfique sur les sols, car trop centré sur les caractéristiques chimique et pas assez sur le biotope, les petites bêtes qui rendent le sol fertile. Et au final, il n’y a pas beaucoup de diversité dans les terres agricoles", explique Solène Demonet.  "Et lors des transformations des zones humides en zone agricoles, ça peut par exemple perturber la migration des oiseaux pour qui les zones humides sont des étapes".

Cela dit, le problème est plus grave quand un sol est transformé pour des projets industriels ou d’habitation. "Même si notre modèle agricole n’est pas la panacée, au moins, la vie continue de se développer dans une terre agricole. Tous n’est pas perdu", reprend Solène Demonet. Mais quand il y a bétonisation, alors la biodiversité disparaît. "Forcément, quand on transforme un champ en parking on détruit la nature", abonde Pascal Canfin, de WWF France.

Quelles mesures préconisent les associations ?

La première chose que les associations espèrent, c’est une prise de conscience. "Il faut un d’abord un changement de mentalité, qui se traduise ensuite par des règles contraignantes, par le biais de lois", plaide Solène Demonet. L’objectif, pour les associations, c’est de protéger les sols existants, en encourageant à transformer en priorité les friches industriels. "Le problème, c’est que c’est moins coûteux d’artificialiser un sol naturel ou agricole qu’une friche, qu’il faut payer plus cher et souvent dépolluer", explique la chargée du programme sol de France Nature Environnement, qui évoque par exemple "des mesures fiscales" pour inverser cette tendance.

Pour autant, les associations n'attendaient pas de mesure choc de la part de Nicolas Hulot. Le ministre a tout de même annoncé un objectif "zéro artificialisation nette des sols", en arrêtant "rapidement (notre) consommation insoutenable des terres agricoles". Autrement dit, lorsqu’un bâtiment en béton sera construit, le même espace de nature devra être recréé ailleurs. Mais le plus important, c’est l’émergence du débat sur la place publique. "La dynamique est lancée pour atterrir sur des propositions concrètes avant l'été", s'est réjouit ainsi Pascal Canfin.