Besançon : que sait-on du meurtre de Razia, victime de violences conjugales ?

La jeune femme a été poignardée à mort mardi à Besançon (photo d'illustration).
La jeune femme a été poignardée à mort mardi à Besançon (photo d'illustration). © PATRICK KOVARIK / AFP
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avec AFP
Plusieurs associations ont appelé à un rassemblement vendredi, pour rendre hommage à une mère de famille tuée en pleine rue. Son mari, un Afghan de 38 ans, fait figure de "suspect numéro un".

 

Le meurtre de Razia, une Afghane de 34 ans, poignardée à mort en pleine rue mardi, aurait-il pu être évité ? La question est sur toutes les lèvres à Besançon, trois jours après l'épilogue tragique d'une histoire de violences conjugales, émaillée de plusieurs signalements à la justice. "Ce qui est inquiétant et me met en colère, c'est que cette femme avait déposé plainte à plusieurs reprises et sa vie lui a été arrachée", commente auprès de l'AFP Laura, porte-parole d'Osez le Féminisme Doubs. Vendredi, l'association se joindra à l'initiative de Solidarité Femmes, qui organise un rassemblement en hommage à la victime.

Un coup de couteau à la gorge. Les faits remontent à mardi, aux alentours de midi. Dans un quartier de l'ouest de Besançon, Razia rentre seule de ses courses, s'apprêtant à rejoindre ses enfants, âgés de 9, 12 et 16 ans. "L'exploitation d'une caméra de la ville a permis de mettre en évidence la présence d'un individu qui suivait la victime", a indiqué le procureur de la République, Etienne Manteaux. "L'exploitation plus fine de l'ensemble des moyens de vidéoprotection a confirmé qu'il s'agissait de son mari. Âgé de 38 ans, l'époux de Razia est lui aussi Afghan. Aux abords d'une station de tramway, il assène huit coups de couteau à sa femme. L'un d'eux, à la gorge, est mortel.

Dans le quartier, le drame suscite un vif émoi : installée à Besançon depuis septembre 2017, Razia s'était rapidement intégrée. "Avec beaucoup de force et de volonté, elle suivait des cours de français, participait aux ateliers et activités proposées et faisait des projets pour l'avenir", souligne dans un communiqué l'association Solidarité Femmes, "horrifiée". Et d'ajouter : "partagées entre le chagrin et la colère, nous continuerons notre combat contre les violences conjugales".

"Les enfants avaient peur de leur père". Car le meurtre de Razia s'inscrit dans une longue histoire de violences. Mariée religieusement depuis 14 ans, la mère avait émis la volonté de se séparer de son mari dès son arrivée en France, à Toulon. La famille déménage ensuite à Marseille, où Razia dépose une première plainte pour violences conjugales, classée sans suite, "les certificats médicaux présentés ne correspondant pas aux faits dénoncés", selon l'Est Républicain. La jeune femme entame alors une procédure de divorce ainsi qu'une démarche d'obtention de séjour. Une association "l'exfiltre" vers Besançon.

Un temps, elle y vit seule. Mais au printemps dernier, son époux retrouve sa trace. "Pendant trois mois, les enfants ne sont pas allés à l'école. Ils avaient peur de leur père. Ils avaient peur d'être victimes d'un rapt et de perdre leur contact avec leur mère", témoigne auprès d'Europe 1 Christine Perrot, présidente de Solidarité Femmes. En avril, en mai et en août, Razia, logée par l'association, porte plainte pour menaces et intimidation. Une enquête est ouverte. Son mari est entendu et laissé libre.

"On n'a malheureusement pas de boule de cristal". "On essaie, au maximum,de traiter les demandes en temps réel. Mais en l'occurrence, les éléments de preuves qui auraient pu permettre d'objectiver les faits étaient trop ténus", explique Etienne Manteaux, dont les propos sont rapportés par l'Est Républicain. "C'est toujours simple de réécrire l'histoire, mais quand il n'y a pas de preuves matérielles ou écrites, tels des courriers ou des SMS, c'est plus difficile. On n'a malheureusement pas de boule de cristal pour solutionner les affaires." Au cours de l'enquête, les policiers avaient exhumé des images de vidéosurveillance des faits rapportés par Razia. L'une d'entre elles montrait l'homme à ses côtés, mais "assez calme".

"Ce n'était pas de l'hystérie, ce n'était pas de la crainte infondée, la preuve : il n'a pas fallu longtemps à ce monsieur pour donner un coup de couteau là où il fallait", répond Christine Perrot, pointant l'absence de recours à des mesures comme un bracelet électronique. En juillet, Razia avait pourtant obtenu une ordonnance de protection, délivrée par un juge des affaires familiales, interdisant à son mari de l'approcher. La jeune femme s'apprêtait à s'inscrire à des cours d'autodéfense "car elle se sentait menacée", souligne la responsable associative.

Une fuite anticipée ? Cheveux en brosse, courte barbe, l'Afghan voit désormais son portrait publié dans tous les médias locaux dans le cadre d'un avis de recherche. "Le suspect mesure 1,75 mètre et porte un tatouage sur l'épaule droite", a précisé le commissaire Charly Kmyta, chef de la sûreté départementale de Besançon. La perquisition de son appartement n'a rien donné, les lieux semblant abandonnés. Les enquêteurs craignent désormais que les faits n'aient été prémédités, et la fuite du principal suspect anticipée.