Autoroute A69 entre Toulouse et Castres : 5 questions pour comprendre ce projet controversé

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Le chantier de l'autoroute A69 a débuté au printemps dernier. © Jc Milhet / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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Ophélie Artaud / Crédit photo : Jc Milhet / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Ce lundi, le ministère chargé des Transports a réaffirmé que le projet d'autoroute A69 "ira jusqu'à son terme". Ce chantier, débuté au printemps dernier et qui doit à terme permettre de relier Toulouse à Castres, crée la controverse depuis de nombreuses années. Élus, militants écologistes et scientifiques dénoncent notamment les conséquences environnementales. Voici tout ce qu'il faut savoir sur l'A69.

Le projet de l'A69 ira "jusqu'à son terme". Ce lundi, le ministère chargé des Transports a été clair : le chantier d'autoroute de 53 kilomètres, qui doit relier Toulouse à Castres, va se poursuivre, malgré la forte controverse. Lancés au printemps dernier, les travaux de cette autoroute sont décriés depuis plusieurs mois, notamment par des associations environnementales.

Parmi les faits les plus marquants, la grève de la faim entamée pendant plus d'un mois par trois militants écologistes, dont Thomas Brail, le fondateur du Groupe national de surveillance des arbres. Le 9 octobre, le militant est également entré en grève de la soif avant de faire un malaise et d'être transporté à l'hôpital. Plusieurs manifestations ont également été organisées ces derniers mois contre ce projet, sans faire plier le gouvernement, qui le juge d'"utilité publique". Voici tout ce qu'il faut savoir.

Pourquoi ce projet est-il mis en place ?

Pour comprendre les origines de l'A69, il faut remonter à 1994. Au départ, l'objectif est seulement d'agrandir la route nationale, N126, qui relie Toulouse à Castres en traversant quinze communes. Au début des années 2000, l'idée de créer une autoroute commence à germer. Rapidement, le projet fait débat dans l'opinion publique et les premières manifestations sont organisées.

Mais il faut attendre 2018 pour que le projet prenne un nouveau tournant. En juillet 2018, Edouard Philippe, alors Premier ministre, signe un décret qui déclare la création de cette autoroute d'"utilité publique". La création de l'A69 est officialisée en avril 2022, lorsque la société Atosca obtient le contrat de concession de la liaison autoroutière entre Castres et Verfeil. Le coût total du projet est estimé à environ 450 millions d'euros, dont 23 millions d'euros de subventions publiques.

L'autoroute devrait être mise en service en 2025, et la société Atosca conservera la concession de l'A69 pendant 55 ans.

Quels sont les arguments pour la création de l'autoroute ?

Pour ses défenseurs, la création de l'A69 permettrait notamment de désenclaver la ville de Castres et redonner de l'attractivité au sud du département du Tarn. De nombreux élus et entrepreneurs locaux soutiennent ce projet. 

Le 11 octobre dernier, 900 élus du Tarn ont signé une tribune de soutien, comme le relate le site Actu.fr. Selon eux, l'A69 est une "nécessité absolue" pour les entreprises et communes du territoire. L'autoroute devrait permettre de "sécuriser les déplacements" entre Castres et Toulouse et de "gagner du temps". Aussi, sa création permettrait de "désenclaver notre bassin d’emplois grâce à une infrastructure routière à proximité", "maintenir [les] emplois locaux sans être aspirés par la métropole toulousaine", et lutter contre les déserts médicaux.

De même, 550 chefs d'entreprise du Tarn ont signé le 5 octobre dernier un manifeste pour "dire oui à l'A69", publié sur le site de la Chambre de commerce et de l'industrie (CCI) du Tarn. Selon eux, l'A69 "va améliorer la sécurité de nos salariés et de leurs proches", "va dynamiser nos entreprises et en attirer de nouvelles", "va permettre de créer des emplois aujourd’hui et demain" et "prend en compte les enjeux environnementaux". Depuis, plusieurs signataires, contactés par France Bleu, se sont désolidarisés de cette tribune.

Pourquoi est-il si contesté ?

Dès ses prémices, le projet d'autoroute a été décrié. Plusieurs associations se sont rapidement créées pour s'opposer à ce chantier. Elles dénoncent des conséquences "catastrophiques sur le plan environnemental", comme l'écrit l'association La voie est libre - Stop A69 Castres-Toulouse sur son site. Aussi, les associations avancent la possibilité d'agrandir la N126 pour éviter la création d'une autoroute.

Le coût de l'A69, privée, est lui aussi contesté. Le collectif Pas d'autoroute Castres Toulouse écrivait en 2018 que "l'autoroute n'est pas une réponse adaptée aux besoins de mobilité des habitants du territoire. Le choix par les pouvoirs publics de la concession privée va à l'encontre de l'intérêt général et de la justice sociale (péage 15 euros)". En juin 2022, la société Atosca a annoncé que la totalité du trajet couterait 6,77 euros aux automobilistes, "coût auquel il faudra ajouter les 1,60 euro de la portion de l'A68 pour rejoindre Toulouse", écrit France Bleu, soit près de 17 euros pour un aller-retour. Un montant jugé "profondément antisocial et discriminatoire" par les associations. 

D'après les opposants, l'A69 serait également empruntée par "moins de 7.000 usagers par jour". La société Atosca assure de son côté que "l’autoroute sera empruntée chaque jour par 8.400 véhicules légers et 800 poids lourds".

Des élus locaux se sont joints à cette contestation. En juin dernier, 235 d'entre eux ont publié une tribune intitulée "ménageons nos territoires : non à l'A69 !". "Nous ne voulons pas de ce projet anachronique, injuste et écocide", écrivaient-ils. Sans oublier les scientifiques. 1.500 chercheurs, dont plusieurs auteurs du Giec, ont publié le 4 octobre dernier une tribune dans L'Obs pour appeler Emmanuel Macron à renoncer au projet.

Quelles conséquences environnementales ?

L'aspect environnemental est celui qui inquiète le plus les opposants à l'A69. L'autoroute devrait en effet traverser des champs, notamment agricoles. L'abattage de nombreux arbres et les conséquences sur la biodiversité sont notamment pointés du doigt. Et les avis délivrés par des collectifs d'experts semblent aussi aller dans ce sens.

En septembre 2022, le Conseil national de la protection de la nature a émis un avis défavorable concernant l'A69. Cette instance, composée d'experts et affiliée au ministère de la Transition écologique, considère que ce projet "s’inscrit en contradiction avec les engagements nationaux en matière de lutte contre le changement climatique, d’objectif du zéro artificialisation nette et du zéro perte nette de biodiversité, ainsi qu’en matière de pouvoir d’achat". Selon le collectif d'experts, "l'élargissement de l’infrastructure existante (RN126) constituerait probablement une solution de moindre impact plus acceptable et raisonnable".

De même, dans un avis publié en octobre 2022, l'Autorité environnementale, également reliée au ministère de la Transition écologique, estime que ce projet "apparaît anachronique au regard des enjeux et ambitions actuels de sobriété, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et de la pollution de l’air [...]. La justification de raisons impératives d’intérêt public majeur du projet au regard de ses incidences sur les milieux naturels apparaît limitée", peut-on lire. 

Pourquoi l'État refuse-t-il de céder ?

Malgré les manifestations et les recours des associations, rejetés par la justice, le gouvernement s'est dit "déterminé à faire aboutir ce projet", indique le ministère chargé des Transports dans un communiqué, considérant que le chantier "a été décidé démocratiquement et confirmé systématiquement par le juge". Le chantier a d'ailleurs repris ce lundi, trois jours après une réunion qui s'est tenue à Castres et durant laquelle "une très large majorité des élus locaux, représentants légitimes du territoire dans notre démocratie, a réaffirmé sans ambiguïté son soutien à l'autoroute", selon le ministère.

Une décision que rejettent une nouvelle fois les opposants, qui ont d'ores et déjà appelé à la mobilisation les 21 et 22 octobre prochain.