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Stéphane Place, avec AFP
Lors de la première journée du procès du drame de Rochefort, Mathieu Saurel, 29 ans, chauffeur du camion-benne a admis sa "possible" inattention le matin de la collision. Le 11 février 2016, une collision entre son camion et un car rempli d'adolescents avait fait six morts.

Six ans après le drame du car de Rochefort qui a causé la mort de six adolescents le 11 février 2016, le procès s'est ouvert lundi devant le tribunal correctionnel de La Rochelle où le chauffeur d'un camion-benne, jugé seul pour "homicides et blessures involontaires", a admis sa "possible" inattention le matin de la collision.

Un accusé bouleversé

A la barre, Mathieu Saurel, 29 ans, fond en larmes en déclinant son identité, s'effondre encore lors de la lecture des faits ou en répondant aux questions. À quelques mètres, des rescapés et proches de victimes laissent éclater leur douleur. Ils attendent ce procès depuis 6 ans. Des deux côtés de la barre, la vie a basculé au petit matin du 11 février 2016, à Rochefort. Le camion-benne de la société de BTP Eiffage que M. Saurel conduisait depuis trois ans avait littéralement cisaillé de bout en bout, comme une lame géante, un car scolaire arrivant en sens inverse, avec quinze jeunes à son bord, de 15 à 24 ans.

Certes ce jour-là, il fait encore sombre et il bruine. Le car, reliant Saint-Pierre-D'Oléron à Surgères en Charente-Maritime, emprunte une déviation car un pont est ouvert pour laisser passer un navire. Le car et le camion se croisent peu après 7h, le premier à 42 km/h, le second à 39 km/h, sur la portion la plus étroite de cette route. Le bilan aurait-il été moins lourd sans cet enchaînement de circonstances inhabituelles ? L'enquête sur ce drame, sans alcoolémie ni stupéfiants, a imputé le choc brutal à cette seule ridelle, une pièce métallique de 450 kg maintenant le chargement du camion, qui était restée ouverte à gauche en position horizontale à 90 degrés, sectionnant sur son passage les sièges du car.

Ce matin-là, le conducteur du camion a ouvert la ridelle pour charger sa benne. Elle était toujours ouverte au moment de faire le plein d'essence, puis c'est le "trou noir", assure aujourd'hui le jeune homme, vêtu d'une chemise noire et d'un jean, visage juvénile rougi par les larmes. "Je sais pas si je suis passé par l'avant ou l'arrière (en remontant dans son camion), mais elle était à hauteur de mes yeux", poursuit-il entre deux sanglots, assurant qu'il n'aurait "pas roulé avec une ridelle ouverte".

 

"Je n'ai pas réalisé"

Au moment de croiser le car, "je me suis concentré car à cet endroit la route était étroite", relate le jeune homme. Une mise en situation du camion peu après le drame a montré pourtant qu'un contrôle de rétroviseur permettait d'apercevoir la ridelle. "C'est possible, oui que je ne l'ai pas vue, avec la pluie", finit par concéder le jeune homme, en évoquant aussi la couleur de la ridelle, un peu rouillée, qui pouvait se confondre dans la nuit.

Au moment du choc, "je n'ai pas réalisé, c'est quand j'ai vu les images, les corps, que j'ai compris ce qui s'était passé", poursuit-il, encore en pleurs, alors qu'il encourt cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende. Il est jugé seul sans son ex-employeur Eiffage, mis en examen fin 2020, mais qui a bénéficié d'un non-lieu. Le conducteur avait évoqué l'hypothèse d'un dysfonctionnement sur le système hydraulique de la benne. La justice n'a toutefois vu ni "défaillance mécanique" ni "aucun manquement à la législation relative à la sécurité". A l'époque, aucune norme n'imposait aux camions d'être équipés d'alarmes sonore et visuelle qui auraient prévenu le conducteur.

"Il est évident que s'il y avait eu un problème (...) sur le système hydraulique de la benne, la ridelle serait complètement ouverte à 180 degrés", assure l'expert judiciaire Robert Hazan. Six adolescents, 5 lycéens et 1 collégien de 15 à 18 ans, avaient été tués et deux autres blessés grièvement lors de l'accident, l'un des plus graves de transport d'enfants en France depuis celui de Beaune en 1982 (53 morts dont 44 enfants). "On a détruit mon fils, ma vie, mon travail, c'est lui qui a détruit ma famille", témoigne Sandrine Audet, la mère de Florian, en désignant le prévenu. L'audience se poursuit mardi.