Au cœur du seul centre qui accueille des jeunes femmes victimes de violences : "On ne veut pas se retrouver, à 18 ans, dans un cimetière"

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© Bertrand GUAY / AFP
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Eve Roger, édité par Romain David , modifié à
À l'occasion de la manifestation #NousToutes, Europe 1 vous emmène dans le seul centre en France qui accueille des jeunes femmes victimes de violences sexistes et sexuelles.
REPORTAGE

À l'appel d'organisations féministes, d'artistes et de syndicats se tient une manifestation, #NousToutes, se tient samedi à partir 14 heures, place de l'Opéra, à Paris Le mot d'ordre : stop aux violences sexistes et sexuelles. En France, quelque 225.000 femmes sont victimes chaque année de violences conjugales, et 200 femmes sont violées chaque jour. En 2017 123 ont été tuées sous les coups de leur conjoint ou ex conjoint.

>> À la veille de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, Europe 1 vous emmène au FIT - "une femme / un toit" -  le seul centre qui accueille en France des jeunes femmes victimes de violences sexistes et sexuelles :

Un lieu tenu secret. Pour être accueillie dans ce centre situé à Paris, il faut avoir entre 18 et 25 ans et ne pas avoir d'enfant. Mais on ne peut pas vous décrire ce bâtiment ni vous donner l'adresse exacte car il faut protéger les jeunes filles qui y sont hébergées, et qui, pour la plupart, ont fui un père, un conjoint ou même une famille entière. Elles sont victimes de tous types de violences : coups, viols, mariages forcés.

"On a des bleus, des cicatrices, des points de suture". On y croise par exemple Camille, une jeune femme de 21 ans qui a déjà trois ans de violences conjugales derrière elle : "On est sa chose, son objet, c’est lui qui décide. On a des bleus, des cicatrices, des points de suture, on les cache", raconte-t-elle à Europe 1. "On va voir de la famille, des amis, et devant ces personnes-là, c’est la personne la plus gentille, un ange, mais à la maison, c’est un lion. Tant qu’il peut se défouler, il se défoule. Une fois qu’il a fini, il redevient gentil, mais ça dure quelques minutes", poursuit-elle.

Un déclic avant qu'il ne soit trop tard

"Il a fallu que je parte pour sauver ma peau". Une soixantaine de jeunes filles ont trouvé refuge dans ce centre."On a toute un déclic : on veut vivre. On ne veut pas se retrouver à 18 ans dans un cimetière", explique Camille. Marie a 23 ans, elle a débarqué ici il y a seulement dix jours, après un coup de fil à la ligne d'écoute "Viol femmes informations" (0800 05 95 95). "Il m’a fallu quinze ans pour parler. Mon père est particulièrement violent. Il y a eu un coup de trop. Il a fallu que je parte pour sauver ma peau. J’ai très peur qu’on me recherche, qu’on me trouve et que l’on m’oblige à rentrer chez moi". 

Se reconstruire. Elle a été abusée par son père depuis l'âge de six ans, puis par un camarade de classe ensuite. Elle est sourde et porte des appareils auditifs. Son père a profité de ce handicap. Un témoignage difficile à entendre : "Mon handicap a été une monnaie d’échange lors des violences. Par exemple : ‘si tu ne me fais pas une fellation, je casse ton appareil auditif, comme ça, tu n’entendras plus, et tu seras encore plus dans ton handicap’", rapporte-t-elle. Dans ce centre, Marie va être accompagnée d'éducatrices spécialisées qui vont l'aider à porter plainte, puis plus tard à trouver un logement et aussi un emploi. Marie, elle, souhaite devenir psychologue.