Alexandre Kouchner 2:12
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Mathilde Durand , modifié à
Les témoignages de violences sexistes et sexuelles au sein des Institut d'études politiques se multiplient sur les réseaux sociaux sous le hashtag #SciencesPorcs. Alexandre Kouchner, ancien élève et prof à Science Po, dénonce lundi sur Europe 1 une culture violente plus globale, présente dans toutes les sphères de la société. 
INTERVIEW

Une onde de choc qui secoue le milieu étudiant de Sciences Po. Depuis plusieurs jours, la parole d'étudiants, ou d'anciens élèves, des Instituts d'études politiques se libère sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #SciencesPorcs. Les récits, glaçants, révèlent des violences sexistes et sexuelles commises sur tous les campus dans un contexte d'impunité des agresseurs et de silence des équipes pédagogiques. "Des faits gravissimes", découverts avec "effroi" par Alexandre Kouchner, ancien élève et prof à Science-po. Sur Europe 1, il dénonce lundi "une culture globale sexiste" qui ne se cantonne pas qu'aux IEP. 

Des mouvements qui touchent tous les secteurs de la société 

"Je pense que nous découvrons tous le sous-jacent sexisme qu'il peut y avoir dans notre société, la violence symbolique mais aussi physique qui s'exerce contre les jeunes femmes, aussi contre les jeunes hommes, contre les minorités sexuelles, parfois contre les personnes racisées", explique le journaliste, également demi-frère de Camille Kouchner qui a publié La Familia Grande pour dénoncer les faits d'inceste du politologue Olivier Duhamel sur son frère jumeau.

"Il y a un fond extrêmement violent dans notre société. Et d'ailleurs, il serait faux de penser qu'il ne serait là que d'un problème propre à Sciences Po", assure Alexandre Kouchner. "Les Sciences Po sont aujourd'hui mis en cause, avant c'étaient les écoles de commerce, d'art, d'ingénieurs. Il y a eu des mouvements dans l'industrie musicale, de la communication. Ce que l'on voit aujourd'hui, c'est que notre société exerce une vraie violence sexuelle et sexiste. Et c'est de ça dont il faut bien prendre conscience."

"Une faillite collective"

La plupart des témoignages de victimes renforcent l'idée d'une "culture du viol" dans les IEP, où le silence est privilégié à l'écoute des victimes, afin de protéger la réputation des campus. "Qu'il y ait une culture globale sexiste et qui exerce des violences sexuelles est un fait, on ne peut pas le nier", réagit Alexandre Kouchner. "Est-ce que c'est spécifique aux IEP ? Encore une fois, non. J'ai été élève à Sciences Po, j'y suis professeur. Je suis extrêmement sensible à ces mouvements engendrés par les élèves, qui aujourd'hui ne tolèrent plus ces comportements et ils ont raison. Mais si on se concentre uniquement sur ce qu'il se passe dans les IEP, on passe à côté du problème."

"Très attaché à Sciences Po", Alexandre Kouchner reconnaît néanmoins une "faillite collective" à plusieurs niveaux. La présence d'un facteur culturel qui aurait permis ces agissements, recensés dans plusieurs campus, dans un premier temps. "Ce n'est plus tolérable, nulle part", assène-t-il.

La prise en charge des victimes a été également source de "faillite collective", ajoute Alexandre Kouchner. "Elles ne se sont pas senties entendues, soutenues et n'ont eu comme choix que d'aller vers leurs pairs sur les réseaux sociaux". Les structures mises en place par les IEP pour lutter contre ce type de violences - cellule d'écoute, référents - ne sont visiblement pas adaptées, poursuit le journaliste. "Je crois que nous ne sommes pas sensibles et formés pour ce genre de violences. Je ne peux pas, et ne veux pas, pointer des responsabilités individuelles" au sein des IEP, ajoute-t-il, tout en dénonçant avec force une situation "intolérable".

Laisser la parole aux victimes

Face à l'ampleur des témoignages et des mouvements qui secouent la société, Alexandre Kouchner appelle à l'humilité et à une réflexion commune sur les violences sexistes et sexuelles tout en laissant la parole à ceux qui "agissent, accompagnent et forment".

"De temps en temps, face à une telle souffrance, la seule chose à faire est de fermer sa gueule", lance-t-il, refusant un débat politiquement polarisé. "Cela touche toutes les strates de la société, tous les milieux et donc c'est à nous tous d'agir. Et agir signifie d'abord ne jamais minimiser la parole des victimes, les accompagner comme on le peut vers la justice", conclut-il, rappelant qu'"aller sur les réseaux sociaux" n'est ni une preuve de faiblesse, ni de vengeance mais une solution pour des victimes qui n'ont pas trouvé une écoute ailleurs.