Pédophilie : "Il m'a volé ma vie de femme, aujourd'hui on ne peut plus me toucher"

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François Coulon , modifié à
Une soixantaine de personnes ont porté plainte pour agression sexuelle contre Joël Le Scouarnec, chirurgien à l'hôpital de Jonzac. L'une d'elles a accepté de témoigner au micro d'Europe 1. 
TÉMOIGNAGE

Ce pourrait être la plus grande affaire de pédophilie jamais mise au jour en France. Joël Le Scouarnec, chirurgien gastrique à l'hôpital de Jonzac, petite ville de Charente-Maritime, a été interpellé le 24 août 2019 pour agression sexuelle. Il pourrait y avoir jusqu'à 246 victimes potentielles, comptabilisées dans les carnets intimes du pédophile présumé. Au micro d'Europe 1, mardi, l'une de ses victimes a accepté de témoigner.

Marie (prénom d'emprunt) est une Bretonne de 33 ans, mère de deux enfants. Il y a un mois, elle a reçu la visite de deux gendarmes qui lui ont demandé si elle avait bien été opérée de l'appendicite à la clinique de Vannes, à l'âge de 10 ans. C'est de cette façon qu'elle a appris qu'elle faisait partie des victimes de Joël Le Scouarnec. Marie a été violée dans sa chambre, le lendemain de l'intervention, au cours de la visite post-opératoire.

Dans ses carnets, "il décrit tout ce qu'il m'a fait et la jouissance quand il écrit"

Elle ne l'a appris que 23 ans plus tard, à la lecture de l'un des carnets du médecin évoquant ce qu'il lui avait fait subir. "Il me décrit totalement nue, il y décrit tout ce qu'il m'a fait et la jouissance qu'il a quand il écrit, il y prend du plaisir", raconte la jeune femme. "Ça m'écœure. C'est comme un récit de livre pornographique, sauf qu'on y parle d'enfants, de personnes innocentes, inconscientes de la vie sexuelle."

A l'époque, Marie ne s'était pas posée de question devant ce qui pouvait ressembler à un geste médical. Pourtant, sa vie intime avait été profondément marquée par cet épisode, sans qu'elle puisse jusqu'à présent en expliquer la cause. "Il m'a volé ma vie de femme : aujourd'hui je n'ai pas une vie normale", explique-t-elle. "On ne peut pas me toucher." Depuis, Marie est suivie par un psychologue. "L'autre jour, j'ai revu son visage et le regard qu'il a posé sur moi avant de me violer", se remémore-t-elle. "Un regard glaçant, qui vous fait froid dans le dos."

"Il faut l'enfermer, il ne faut plus qu'il sorte, qu'il fasse du mal"

Elle ressent aujourd'hui un profond dégoût et beaucoup de colère. "Il est répugnant. Auand on pense à ça, on a juste envie de vomir", confie-t-elle. "On se sent sale, on se sent humiliée, on a même honte de ce qui nous est arrivé." C'est pour aider d'autres victimes à sortir du silence qu'elle témoigne. "Il faut l'enfermer, il ne faut plus qu'il sorte, qu'il fasse du mal, il faut que ça s'arrête", tranche-t-elle. "C'est un gros manipulateur, il savait très bien ce qu'il faisait." Joël Le Scouarnec sera jugé pour une première affaire au début de l'année 2020.