Affaire Benalla : que faisait le collaborateur de Macron avec la police ?

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Alexandre Benalla au premier plan, avec Emmanuel Macron. © Lionel BONAVENTURE / AFP
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Le chargé de mission de l’Elysée, au cœur d’une polémique après des violences perpétrées lors du 1er mai dernier, était présent théoriquement en tant que simple observateur. Une pratique qui n’est pas rare mais normalement bien encadrée.
ON DÉCRYPTE

Comment Alexandre Benalla, chargé de mission à l’Elysée, a-t-il pu se retrouver au milieu d’affrontements entre des policiers et des manifestations le 1er mai dernier, au point de porter des coups à un jeune homme et d’ainsi se retrouver depuis mercredi soir au cœur d’une polémique qui embarrasse l’Elysée ? C’est l’une des questions centrales auxquelles le parquet de Paris, qui a ouvert une enquête, devra répondre. Une chose est sûre : la pratique d’emmener un observateur sur le terrain n’a rien d’exceptionnel. Il n’est donc pas rare que des personnes se retrouvent aux côtés de policiers lors de manifestation. Avec une condition, évidente : ne pas participer aux opérations.

Cela dit, les conditions entourant ces observateurs semblent floues, à en croire Gérard Collomb lui-même. "J'ai demandé à l'Inspection générale de la police nationale de préciser quelles sont les règles pour l'accueil et l'encadrement de ces observateurs et s'il en existe, de vérifier dans ce cas précis qu'elles ont été mises en oeuvre", a déclaré le ministre de l'Intérieur au Sénat. En attendant cette clarification, Europe 1 tente de répondre aux questions qui se posent concernant Alexandre Benalla.

Pourquoi Alexandre Benalla était-il avec les policiers ?

La préfecture de police de Paris explique à Europe 1 qu’"il n’est pas rare qu’(elle)accueille pour de courtes durées des personnes extérieures à la police pour des opérations de maintien de l’ordre (journalistes, chercheurs, stagiaires...)." En clair, la présence de civils n’a rien d’incongru, même dans des zones de tensions.

Un ancien conseiller de François Hollande à l’Elysée, joint par Europe1.fr, explique que, même s’il n’a pas de souvenir d’exemples similaires du temps où il travaillait au Palais présidentiel, la pratique est aussi répandue en région. "Dans les préfectures, il arrive fréquemment que le directeur de cabinet du préfet ou un fonctionnaire chargé de la sécurité fasse des rondes avec la Bac, par exemple", assure-t-il. L’homme ajoute par ailleurs que "les liens avec la police, que ce soit à l’Elysée ou dans les préfectures, sont constants".

La présence d’Alexandre Benalla le 1er mai dernier avec la police n’a donc a priori rien d’anormal, ni même d’illégal. Selon Bruno Roger-Petit, le porte-parole de la présidence de la République, Alexandre Benalla avait été "autorisé", à sa demande, par le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, à "observer les opérations de maintien de l'ordre pour le 1er Mai", sur "un jour de repos".

Pourquoi Alexandre Benalla était-il ainsi équipé ?

Le collaborateur d’Emmanuel Macron apparaît sur plusieurs vidéos équipé d’un casque - orné de l’écusson CRS -, mais aussi d’un brassard de la police et même d’un talkie-walkie. Et ça, pour le coup, c’est probablement anormal. Les observateurs "sont dotées du matériel suivant permettant d’assurer leur protection : casque, gilet par balles...", assure la préfecture de police. "Quand on a des gens à l’intérieur d’un dispositif qui ne sont pas des policiers, on les protège avec le matériel qu’e l’on a", complète sur Europe 1 Jean-Michel Fauvergue, député LREM et ancien patron du Raid.

En revanche, ni brassard, ni écusson, ni radios ne sont théoriquement prévus. "Ce qui me surprend, c’est qu’il n’ait pas été équipé de matériel de protection civile, qu’il ait porté un casque police, un brassard police et même une radio", réagit sur Europe 1 Denis Jacob, secrétaire général du syndicat de police Alternatives CFDT. "Même si ça été autorisé, ça reste pour moi un délit. Se faire passer pour un policier, c’est un délit", estime le syndicaliste. Ce sera à la justice de faire la lumière sur cet équipement porté par Alexandre Benalla. Le parquet de Paris enquête notamment sur le chef d’"usurpation de signes réservés à l’autorité publique".

Alexandre Benalla avait-il le droit d’intervenir ?

Mais le plus important reste l’attitude du chargé de mission. Et en la matière, les choses sont claires. Les observateurs "doivent se cantonner à un rôle d’observateur", explique la préfecture de police. "Les observateurs n’ont pas à intervenir, ils ont à observer", confirme Jean-Michel Fauvergue. "On doit savoir pourquoi il a été amené à intervenir. "

"Quelqu’un qui n’est pas policer, qui est habillé comme un policier et qui se comporte comme un policer, je n’ai jamais vu ça", peste de son côté Denis Jacob, qui pointe un autre manquement potentiel. "En général, l’observateur est mis sous la responsabilité d’un commissaire sur le terrain, et il doit rester avec ce commissaire", explique le syndicaliste. Or, sur les vidéos, Alexandre Benalla semble agir le plus souvent seul, et souvent ses désirs. Encore un mystère que la justice devra lever.