Qui sont les millionnaires du Loto ?

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avec Camille Langlade , modifié à
Deux sociologues ont passé au crible une centaine de gagnants.

Ils ont gagné 2, 15 ou 27 millions d'euros et ont pu réaliser leur rêve. Les sociologues Michel et Monique Pinçon-Charlot les ont rencontré et ont brossé le portrait d’une centaine de gagnants du Loto et de l'Euro Millions dans Les millionnaires de la chance, sorti mercredi.

Des cuisines à Megève

Jean Bernard est l’un d’eux. Après avoir gagné un pactole de 2,6 millions d’euros en 1988, il a rendu son tablier de cuisinier à l’Onu pour retourner vivre dans une bergerie. Au bout de sept ans d’exil auprès des moutons, il est parti vivre dans un chalet à Megève. Il raconte avoir dû quitter le village, où la population l'a rejeté.

Du jour au lendemain, sa vie a complètement changé. "On n’a plus à se lever de bonne heure le matin, à faire attention à ne pas être au travail au retard le matin. Il n’y a plus ces normes", décrit-il. Mais attention à "ne pas tomber dans le piège qui consiste à ne plus rien faire". Alors tous les jours, Jean-Bernard va acheter son journal plutôt que de le faire livrer. Il se rend aussi au Lion’s club de Megève. "J’ai des grands chefs d’entreprises, qui ont des centaines d’employés, autour de moi. Moi je me sens un peu léger mais malgré tout je me sens à leur niveau", explique-t-il.

"C’est un nouveau départ dans la vie"

Savoir encaisser

Il faut pouvoir encaisser cette nouvelle vie quand on n'y est pas préparé. Le choc que les sociologues appellent "heureuse catastrophe", peut en effet être énorme et entraîner l'inverse de l'effet escompté. L'un des auteurs du livre, Monique Pinçon-Charlot, l'a découvert dans son enquête : "C’est le corps qui en premier exprime le changement". Elle décrit des malaises cardiaques, des prises ou pertes de poids importantes et même de l’hémiplégie.

L'été dernier, un des gagnants de l'Euromillion a défrayé la chronique. Il était boucher à Bègles quand il a empoché 26 millions d'euros. Cinq ans plus tard, il a été retrouvé au volant de sa Ferrari avec 2 grammes d'alcool dans le sang. Il a alors tenté de corrompre les policiers en leur proposant 1.000 euros pour passer l’éponge.

Docker de père en fils

Celui-là est un cas extrême. Monique Pinçon-Charlot explique qu’elle n’a pas rencontré de "gagnants qui ont pété les plombs". Leur gain leur a permis de se faire plaisir et de faire plaisir à leurs proches. Certains ont même gardé leur travail. Mais beaucoup ont continué à vivre au même endroit. Elle estime qu’avec un million d’euros "on améliore largement son train de vie. A partir de cinq millions, la question de s’arrêter de travailler se pose".

Elle cite l’exemple d’un docker de Marseille qui a empoché 15 millions d'euros. Lui et son épouse ont arrêté de travailler depuis deux ans, et le plus étonnant, c'est qu'ils ont presque la nostalgie de leur vie d'avant. "Les camarades du port" lui manquent, quant à son épouse, si elle devait retravailler, elle retournerait à la caisse de Champion avec ses collègues. "On était simple et on reste simple." Ils ont d’ailleurs transmis ces valeurs à leur fils qui compte reprendre le flambeau et être docker.

Michel et Monique Pinçon-Charlot sont spécialistes des études sociologiques sur la richesse. Agés de 67 et 63 ans, retraités depuis peu du CNRS, ils ont conduit de nombreuses enquêtes sur la bourgeoisie comme Les Ghettos du Gotha : Comment la bourgeoisie défend ses espaces en 2009.

- Et vous, que feriez-vous si vous gagniez au Loto ?