Les handicapés en colère contre le Sénat

Redoutant la remise en cause de l'obligation de rendre accessibles avant 2015 tous les bâtiments publics, les handicapés ont manifesté mardi.
Redoutant la remise en cause de l'obligation de rendre accessibles avant 2015 tous les bâtiments publics, les handicapés ont manifesté mardi. © Maxppp
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L'accessibilité des bâtiments publics fixée à 2015 serait menacée par un nouveau texte de loi.

Ils sont en colère et le font entendre. Parmi les manifestations dans plus de quarante villes en France, quelque 200 personnes vêtues de noir ont poussé un cri d'alarme mardi devant le Sénat à l'appel de l'Association des paralysés de France (APF). Objectif : défendre la loi de 2005 qui fixe à 2015 l'obligation de garantir à tous l'accès à n'importe quel bâtiment public. Cible de la contestation, le sénateur Eric Doligé, auteur d'un rapport sur le sujet remis au chef de l'Etat en juin dernier.

Des contraintes trop lourdes pour les collectivités ?

A l'origine de la campagne intitulée "des bâtons dans les roues", l'APF s'inquiète d'un éventuel nouveau texte législatif - la proposition de loi sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales - sur la base des propositions du sénateur UMP Eric Doligé, dont certaines prévoient l'élargissement et l'assouplissement des dérogations en matière d'accessibilité pour les bâtiments publics existants, parce que le coût des travaux serait trop élevé pour les collectivités.

Dans l'exposé de ses motifs, dont La Croix publie des extraits, le sénateur du Loiret souligne "que le respect de l’échéance de 2015 nécessite de mobiliser des moyens financiers importants qui ne sont pas à la portée de toutes les collectivités locales" et évoque, dans son rapport, "le caractère excessif" et "pointilliste" des décrets d'application. Contacté par Europe1.fr, Eric Doligé  rappelle que sur les 20 milliards d'euros nécessaires pour cette mise aux normes, les communes doivent encore en trouver 17 d'ici 2015. "On a un problème de réalisme où une loi a été votée qui prescrit un certain nombre de choses qui ne pourront être réalisées dans leur totalité", explique-t-il, proposant ainsi de "se mettre autour de la table" au lieu d'"aller droit dans le mur dans trois ans". Pour le sénateur UMP, la crise, le grenelle de l'environnement et la "pluie" de nouvelles normes passées par là depuis 2005 font que les maires ne sont plus en mesure aujourd'hui de faire face à toutes leurs obligations.

Le parlement avait par ailleurs déjà voté au printemps une proposition de loi UMP de l'ancien sénateur Paul Blanc introduisant la possibilité de déroger à l'obligation de rendre accessibles cette fois-ci les bâtiments publics neufs aux handicapés. La disposition avait été censurée fin juillet par le Conseil constitutionnel sur le principe d’accessibilité universelle reconnu par la loi de 2005 sur le handicap.  

"C'est une nouvelle attaque"

Cette nouvelle initiative sénatoriale provoque donc l'indignation de l'Association des paralysés de France. "C'est une nouvelle attaque. Dans tout cela, il s'agit (pour les collectivités) de se protéger de dépenses en excluant toute une partie de la population", accuse Anne Mauceri, directrice de la délégation APF de Paris jointe par Europe1.fr.

Bachelot aux cotés des handicapés

Face au tollé provoqué par cette nouvelle, la ministre des Solidarités Roselyne Bachelot a tenu à rassurer mardi matin sur Europe 1. "Je veux redire de façon ferme que l'échéance de la loi de 2005 de l'accessibilité en 2015 (…) est une échéance non négociable. D'ailleurs Nicolas Sarkozy l'a rappelé lors de la conférence nationale du Handicap le 8 juin dernier. Le gouvernement ne donnera donc pas son accord à l'article 1 de la proposition de loi qui prévoit des dérogations", a-t-elle assuré. "Je suis tout à fait claire et je veux rassurer mes amis de l'association des Paralysés de France", a ajouté la ministre.

L'APF prend acte, mais reste déterminée. "Nous attendons de vrais engagements", a déjà prévenu l'association. Une délégation de l'APF devait être reçue à 18 heures par la secrétaire d'Etat aux Solidarités, Marie-Anne Montchamp, selon le ministère.