Le web, héritier des radios libres ?

Les belles heures de la bande FM : Radio Verte en 1981
Les belles heures de la bande FM : Radio Verte en 1981 © CAPTURE D'ECRAN INA
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Hélène Favier , modifié à
Les radios libres françaises célèbrent, mercredi, les 30 ans de la loi qui les a vues naître.

C'est l'acte de naissance de la radio comme média populaire. Le 9 novembre 1981, une loi autorise les radios locales à émettre, donnant ainsi naissance à des milliers de Tata Lulu et autres Radio Montmartre. "Les militants de la radiophonie" exultent et créent, en effet, à tour de bras des radios sur lesquelles il faut tout faire, de l’antenne au bidouillage du récepteur. Un an après, 2.000 radios sont recensées. 30 ans passent et elles ne sont plus que 900... Entre temps, le web est arrivé offrant des moyens de s’exprimer - plus directs encore - à tous ceux qui voulaient faire entendre leurs voix.  

Pour l’anniversaire de ces radios libres, Europe1.fr a voulu décrypter ces liens entre web et radio et a trouvé l’homme de la situation en la personne d’Antoine Lefébure, historien des médias, co-fondateur de Radio Verte (voir ici le reportage de l'époque) , radio pirate créée en 1977 et aujourd’hui consultant en stratégie Internet. Voici ses réponses.

>> Europe1.fr - Le Bondy blog, les Indignés : pourquoi, aujourd’hui, ceux qui veulent se faire entendre, oublient les radios libres et se tournent vers le web ?
 

Antoine Lefébure  - La réponse est d’abord financière. Au fil des années, les radios libres ou locales ont eu dû mal à financer leurs activités. Seules celles qui se sont fédérées en réseaux ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Avec plus de pubs, plus d’argent, elles sont vite devenues prédominantes. Face à leur audience, les autres radios se sont senties écrasées.

La deuxième raison est pratique : aujourd’hui, nul besoin de demander une fréquence et d’attendre, il suffit de créer un blog sur une des nombreuses plateformes disponibles. C’est un gain de temps. Un gain d’argent. Et un gain d’audience : un blog est accessible partout dans le monde.

Enfin c’est une question de génération. Je l’ai vu en Espagne avec les Indignés. Ce sont des jeunes de 25 ans qui sont devenus adultes avec le web et qui ont se réflexe là. Sur Internet, ils se sont découverts plus nombreux que ce qu’ils pensaient et ont pu s’organiser. La radio libre n’aurait pas pu rassembler tout un pays, ni jouer ce rôle pivot dans l’organisation.

>> A votre avis, que doit le web aux radios libres ?

Antoine Lefébure - On y retrouve le même esprit. Sur les radios libres, les post-soixante-huitards partageaient la même utopie que l’on retrouve aujourd’hui sur le web : que ceux qu’on entendait jamais avaient enfin droit au chapitre. On y retrouve le même mot d’ordre : liberté, liberté d’expression. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ceux qui ont initié le web, l’ont voulu comme un espace de liberté totale.

Reste que cette aventure ne date pas des radios libres. Sous Louis XIIIe déjà, des lettres privées circulaient pour faire monter la gronde. Bref, la liberté d’expression est une aventure éternelle.

>> Lors du printemps arabe, certains gouvernements ont essayé de couper Internet, les radios ont alors pris le relais….

Antoine Lefébure - Oui, on a vu cela en Tunisie par exemple, où les messages des manifestants étaient déportés sur des radios locales. Mais cela reste très anecdotique puisque l’on a bien vu qu’il est désormais très difficile de couper Internet définitivement.

Il faut cependant se garder d’un discours extrême qui expliquerait que le web va tout supplanter. Radio et web sont deux univers différents. Ces deux médias sont plus complémentaires qu’interchangeables.