Islam de France : encore du chemin

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avec Ariane Lavrilleux , modifié à
La polémique sur le congrès de l’UOIF relance le débat sur la formation des imams en France.

La 29ème Rencontre annuelle des Musulmans de France s'ouvre aujourd'hui au Bourget dans une atmosphère particulière après les arrestations en série d'islamistes radicaux présumés et la mise en garde de Nicolas Sarkozy à son organisatrice, l'UOIF.

Mais au moment où le gouvernement veut lutter contre l'islam radical, il menace de suspendre son aide à l'unique formation à la laïcité pour imams. Un péril pèse donc sur une formation des imams déjà problématique.

La formation des imams à la traine

Si les candidats s’accordent à vouloir favoriser l’émergence d’un islam de France, cette déclaration de bonne intention se heurte à un problème de taille : non seulement le financement du culte musulman reste très dépendant des pays étrangers, mais surtout la formation des 1.500 imams en France reste très lacunaire.

Contrairement à la religion catholique, il n'existe en France aucune organisation ou structure qui décerne le titre d'imam, si bien qu’il est facile de revendiquer ce titre sans disposer d’une solide formation. "Tant qu'il n'y aura pas un islam de France avec des imams formés en France, nous continuerons à voir nos jeunes attirés par des fondamentalistes", estime Hassan Chalghoumi, imam de Drancy et président de la conférence des imams.

Une solution, créer une structure unique

Trois instituts musulmans privés français proposent néanmoins une formation à l'imamat incluant une réflexion sur la laïcité à la française. Le plus ancien est l'Institut européen des sciences humaines (IESH) fondé en 1990 par l'UOIF dans la Nièvre, rejoint depuis par un autre IESH en région parisienne et l'institut Al Ghazali de la Grande Mosquée de Paris, créé en 1993.

Mais ces instituts font l’objet de suspicions en raison de leurs liens, supposés ou réels, avec des pays comme l’Egypte, l’Arabie Saoudite ou encore l’Algérie. "Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir des imams financés par tel ou tel mouvement : les pays ne financent pas pour rien, il y a toujours une politique derrière", prévient Hassan Chalghoumi.

La majorité des musulmans français demandent donc la création d'un institut indépendant proposant une formation unique. Un tel projet avait bien été évoqué par Nicolas Sarkozy en 2003, sans pour autant aboutir.

La seule formation encadrée par l’Etat menacée

En attendant la création d’une formation unique pour les imams, l'Institut catholique de Paris est la seule formation à proposer une formation d’un an. Intitulé "interculturalité, laïcité et religions", ce diplôme entièrement financé l'Etat ne propose pas de théologie mais des cours de laïcité, de valeurs républicaines ou encore de droit des religions.

Une soixantaine d'imams et responsables associatifs l'ont suivi au cours des dernières années grâce à l'aide de l'Etat, d’un montant de 80 000 euros par an. Cette année, le ministère de l'intérieur n'en voulait plus mais Sylvie Bukhari de Pontual, doyenne de l'Institut catholique, a réussi à négocier une suspension... jusqu'à la présidentielle.

"On veut intégrer les musulmans, qu’ils jouent le rôle qu’il faut et en même temps on veut arrêter cette formation", regrette Brahim Saadaan, sorti diplômé en 2010. "C’est une formation qui nous a permis de sortir avec de grandes conclusions sur les principes de la République", souligne-t-il. N’étant pas assuré d’obtenir un financement de l’Etat, l'Institut catholique a déjà commencé à chercher des financements de fondations privés et de l'Union européenne.