Alsace : une école migre en Allemagne

© Anne Suply
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avec Frédéric Michel, correspondant d'Europe 1 dans l'Est , modifié à
Faute de place en France, les élèves d’une école bilingue iront étudier outre-Rhin.  

Ils n’auront que 13 kilomètres de plus à faire pour aller à l’école. Ils ne seront simplement plus dans le même pays. Les élèves de l’école bilingue franco-allemande de Bindernheim, en Alsace, porteront leurs cahiers en Allemagne dès la rentrée prochaine, sauf coup de théâtre.

Trop à l'étroit dans les locaux préfabriqués installés dans ce petit village du Bas-Rhin, cette école, qui accueille une cinquantaine d'enfants de la maternelle au CM2, va franchir le Rhin. Elle se délocalisera dans le bourg allemand de Kappel-Grafenhausen, où une école dispose de locaux vides.

"C’était vétuste"

"C’est un vrai soulagement. Car cela aurait été triste de fermer l’école. Depuis 2005, celle-ci était installée dans des préfabriqués sur un terrain appartenant à un parent d’élève. C’était vétuste et le parent voulait récupérer son école", explique Pierre Klein, membre du Conseil d’administration de l'association française ABCM Zweisprachigkeit, qui gère le site, à l’Alsace.fr.

L'école restera une école de droit français, qui suivra les programmes français. D’autant que juridiquement, ce déménagement est possible, car les enseignantes concernées ne sont actuellement pas rémunérées par l'Etat, mais par des subventions versées par les collectivités locales alsaciennes : région et département.

"Rien de mieux que l’immersion totale dans un pays"

Or, le conseil régional d'Alsace vient d'annoncer qu'il maintiendrait son financement, même lorsque l’école sera partie en Allemagne. Le conseil général du Bas-Rhin devrait prochainement lui emboîter le pas, selon Pierre Klein.

Les familles concernées devraient "en grande majorité" approuver ce projet et inscrire leur enfant l'an prochain dans l’école délocalisée en Allemagne, prévoit ce dernier. "Ça ne me dérange pas du tout. Il n’y a pas de place en France, ils vont en Allemagne !", confirme l’un d’eux au micro d’Europe 1. "La plupart des élèves de l’école sont Allemands et vont en France. Il me paraît normal qu’ils aillent en Allemagne. C’est le principe du bilinguisme. Et d’un point de vue culturel, je trouve qu’il n’y a rien de mieux que l’immersion totale dans un pays", poursuit une maman.

Actuellement, l'établissement accueille environ un tiers de petits Allemands, qui font le trajet dans l'autre sens. L'an prochain, "nous aurons plus de place, donc nous pourrons accueillir une vingtaine d'enfants en plus, surtout des Français", se réjouit Pierre Klein.

"Des bouts de pays qui ne se mélangeaient pas"

"Le premier objectif nous concernant est de redynamiser notre école, donc notre village. Pour un maire, une école vide, c’est la catastrophe…", explique au journal Les Dernières Nouvelles d’Alsace le maire allemand de Kappel-Grafenhausen, lui aussi ravi. "Concrètement, la municipalité mettra l’école à disposition par un bail, avec un loyer le plus bas possible, elle financera une partie des activités extrascolaires et offrira le libre accès à ses structures (cantine, centre sportif, etc...). La signature du bail devrait intervenir d’ici trois semaines", détaille-t-il.

Et lui d’y voir un symbole de la construction européenne : "Les écoles sont le chemin pour construire l’Europe. Celle d’ABCM doit être comprise comme un bien culturel facilitant le vivre-ensemble. Jusqu’à récemment, Alsace et Pays de Bade étaient comme deux Finistère, des bouts de pays qui ne se mélangeaient pas. Avec l’Europe, de nouveaux territoires se construisent."