Affaire Bettencourt : la Cour de cassation botte en touche

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DECRYPTAGE - Elle s'est déclarée "incompétente" pour trancher sur le dépaysement de l'instruction. Pourquoi ?

La Cour de cassation botte en touche. La haute juridiction s'est déclarée jeudi incompétents pour statuer sur un éventuel dessaisissement des trois juges bordelais qui instruisent l'affaire Bettencourt. La plus haute juridiction du pays estime en effet que c'est à la cour d'appel de Bordeaux de se prononcer sur ce sujet. Un désaveu pour les avocats des sept personnes mises en examen, dont Nicolas Sarkozy qui leur avait adressé début juin "une requête en suspicion légitime". Patrice Spinosi, l'avocat des sept mis en examen dans ce dossier a indiqué qu'une requête en récusation allait donc être déposée à Bordeaux. Europe1.fr revient sur cette décision de justice qui risque de retarder le calendrier judiciaire déjà bien chargé de l'affaire Bettencourt.

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Au départ, "des doutes sur l'indépendance" de l'experte. La Cour de cassation a examiné mardi la demande de dépaysement adressée par les conseils des personnes poursuivies. Cette requête s'appuyait sur des éléments révélés fin mai par Le Parisien. Le quotidien affirmait que l'experte Sophie Gromb avait été le témoin de l'épouse du juge d'instruction Jean-Michel Gentil à leur mariage. Or le juge Gentil a basé sa décision de mettre Nicolas Sarkozy en examen sur l'expertise du Pr Gromb pour affirmer que l'ancien président a profité de l'état de faiblesse de l'héritière de L'Oréal pour lui soutirer de l'argent afin de financer sa campagne de 2007.

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A la suite de ces révélations, l'avocat général de la Cour de cassation avait donc demandé le dessaisissement du juge d'instruction Jean-Michel Gentil. Une demande appuyée par Me Spinosi qui estime que "la simple nature des relations liant juge d'instruction et expert apparaît déjà, en soi, comme étant de nature à susciter des doutes quant à l'indépendance de ce dernier". La défense reproche également aux magistrats des prises de position dans les médias, alors qu'ils sont soumis au devoir de réserve au nom du secret d'instruction.

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"Les avocats de Sarkozy se sont trompés de procédure". Déterminé à dessaisir le dossier des mains du juge Gentil, Me Spinosi a aussitôt réagi jeudi en indiquant qu'une "requête en récusation" allait être déposée devant la cour d'appel de Bordeaux contre chacun des trois juges : Jean-Michel Gentil, Cécile Ramonatxo et Valérie Noël.  "Il s'agit non pas d'une requête en suspicion légitime visant une juridiction, mais d'une requête en récusation qui doit être présentée, à peine de nullité, au premier président de la Cour d'appel", peut-on lire dans l'arrêt de la Cour de cassation.

22.03 tribunal.justice.bordeaux

Selon Me Eolas, avocat blogueur, "les avocats de Sarkozy se sont trompés de procédure et n'ont pas saisi le bon juge". La Cour de cassation a en effet constaté que seul le juge Gentil était visé. Or, "une requête en suspicion légitime" vise une juridiction et non pas un magistrat. La haute juridiction préconisent donc aux avocats de se tourner vers la bonne juridiction, c'est-à-dire la cour d'appel, pour déposer cette fois "une requête en récusation" qui vise un magistrat. D'ailleurs une telle décision avait été rendue en 1976.

Une démarche que les avocats des personnes mises en examen comptent entreprendre au plus vite. "Le premier président (de la cour d'appel de Bordeaux, ndlr) va devoir statuer sur ces mêmes griefs, ce n'est qu'une étape. Le combat continue, il continue dans une autre juridiction et nous allons poursuivre cette affaire pour obtenir satisfaction", a déclaré Me Spinosi. Des demandes d'annulation de plusieurs actes de l'enquête doivent par ailleurs être examinées par la Cour d'appel de Bordeaux le 2 juillet.