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Romain David
Interrogé sur Europe 1, l'économiste Alain Grandjean estime que face à l'urgence climatique, la transition énergétique nécessitait de passer outre la rigueur budgétaire.
INTERVIEW

Le réchauffement climatique pourrait être bien plus fort que prévu. Le scénario du pire prévoit jusqu'à +7 degrés d'ici 2100, selon les nouveaux modèles climatiques très alarmants d'une centaine de chercheurs et d'ingénieurs français, notamment du CNRS, du Commissariat à l'énergie atomique et de Météo-France. Pour mémoire, dans le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), le pire scénario prévoyait une hausse des températures de "seulement" 4.8 degrés.

"Le scénario du pire n’est jamais exclu car il dépend de nos actions et de notre inaction. Si nous continuons de ne rien faire ou de ne pas être assez efficace, nous risquons de très grosses catastrophes", a déclaré au micro de Matthieu Belliard, dans la matinale d’Europe 1, Alain Grandjean​, ​économiste spécialisé dans la transition énergétique et l'adaptation au changement climatique​. L’objectif fixé par l'accord de Paris sur le climat de limiter à 2 degrés l’augmentation moyenne des températures semble donc de plus en plus difficile à tenir. "Physiquement, il est encore tout à fait accessible. En pratique, c’est-à-dire en tenant compte des équipements installés dans le monde et qui consomment de l’énergie fossile, on peut être un peu plus pessimiste..."

"Il s’agit de faire muter nos appareils de production et de consommation de manière rapide", poursuit Alain Grandjean. "La France a mis au point une stratégie nationale bas carbone, qui à ce stade est encore une feuille de route, mais qui dit bien ce qu’il faut faire", à savoir : réduire notre consommation actuelle d’énergie et aller vers des énergies décarbonées.

 

Briser les dogmes budgétaire pour bâtir "un plan de survie"

Mais encore faut-il se donner les moyens financiers d’une telle transition. Pour notre économiste, l’urgence climatique doit prendre le pas sur la rigueur budgétaire. "Il est hors de question de considérer qu’une contrainte budgétaire est plus importante qu’un plan d’investissement qui serait un plan de survie", martèle-t-il. "Aujourd’hui, on a une grande chance : les taux d’intérêt sont quasiment négatifs. La dette européenne est très facile à placer. Il est très urgent de déplacer les dogmes budgétaires pour investir."

Et l’enjeu est d’autant plus crucial qu’une planète avec des températures en hausse de 7 degrés deviendrait largement inhabitable. "C’est un monde très hostile, ou des milliards d’êtres humains vivent dans des conditions insupportables parce qu’il y a des zones à la fois trop humides et trop chaude pour que le corps humain survive", explique Alain Grandjean. "Pour une partie de la population, il ne sera pas possible de s’adapter, car tout le monde ne pourra pas se payer un ventilo ou un masque à oxygène…"