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Romain David
Au micro de Pierre de Vilno sur Europe 1, Jean-Marc Bohbot, spécialiste des infections uro-génitales à l'institut Fournier à Paris, revient sur la hausse spectaculaire des cas de syphilis en Europe et en France.
INTERVIEW

La syphilis opère un retour inquiétant en Europe. Quelque 33.000 nouveaux cas ont été enregistrés en 2017 sur le continent, soit une augmentation de 70% par rapport à 2010, selon les chiffres publiés le 12 juillet par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. Et la France n’est pas épargnée : le nombre de cas a triplé depuis le début des années 2000, avec 1.748 nouvelles contaminations en 2017.

Cette infection sexuellement transmissible, qui a pour origine une bactérie nommé Treponema palladium, faisait des ravages avant l’apparition des antibiotiques. Au micro de Pierre de Vilno, sur Europe 1, l’andrologue Jean-Marc Bohbot, spécialiste des infections uro-génitales et directeur médical à l'institut Fournier à Paris, explique pourquoi cette maladie qui a tué Charles Baudelaire, Guy de Maupassant ou encore Alphonse Daudet, progresse de nouveaux à l'heure ou l’accès aux traitements n’a jamais été aussi simple.

Pourquoi a-t-on tendance à considérer la syphilis comme une maladie d’un autre âge ?

"Toutes les maladies sexuellement transmissibles sont en augmentation depuis quelques années. On pensait que la syphilis, qui était une maladie un peu oubliée parce qu’elle était dite 'ancienne' - la première description remonte au 15ème siècle - avait été jugulée. Il faut dire qu’il y a des traitements antibiotiques qui marchent très bien. Et puis, c’est une maladie qui ne fait pas l’actualité : on parle des chlamydies et des gonocoques, mais la syphilis, on n’en parle pas beaucoup."

On en mourrait au 19ème siècle, désormais elle se traite. Mais comment la reconnaître ?

"La syphilis est grave lorsqu'elle n’est pas détectée et qu’elle évolue pendant des années et des années. Fort heureusement, pratiquement dans la majorité des cas, on peut la dépister à temps. Le premier symptôme est un chancre, c’est-à-dire une lésion sur les organes génitaux. Ce qui est embêtant, c’est que cette plaie est souvent interne chez la femme et chez les hommes homosexuels lorsqu’elle se situe au niveau anal. Comme elle est indolore, le patient n’a que peu de chance de la détecter. Cette plaie cicatrise spontanément en quelques semaines, et puis la bactérie responsable de la syphilis envahit l’organisme. À ce moment-là, on va avoir des irruptions sur tout le corps."

Que faire à la moindre suspicion de symptômes ?

"Il est évident qu’à partir du moment où on a la moindre lésion sur les organes génitaux, même si elle ne fait pas mal, il ne faut pas mettre n’importe quelle crème. On va directement voir son médecin traitant pour se faire dépister. Une prise de sang permet de poser un diagnostic et de mettre en place un traitement très simple : la syphilis se soigne avec une piqûre de pénicilline, jusqu'à trois quand on est à un stade un peu avancé. Les personnes allergiques à la pénicilline peuvent prendre des comprimés d’un autre antibiotique. Le traitement sera un peu plus long mais aussi efficace. Chez les femmes enceintes, la syphilis peut être transmise à l’enfant, dans le ventre de la mère. Mais si elle est dépistée à temps, le traitement de la mère guérira l’enfant. Désormais, les dépistages sont pratiquement systématiques dans les maternités."

Comment peut-on se prémunir de la syphilis ?

"Avec le port du préservatif. Même si cette augmentation des IST (infections sexuellement transmissibles) est plus ancienne, avec l’utilisation de la Prep, ce fameux traitement anti-viral qui prévient le VIH, et n’en déplaise à certaines associations, on assiste à un abandon du préservatif. Ces patients se font dépister, certes, mais malheureusement, ils ne se protègent plus. Le préservatif doit être réhabilité, car derrière la syphilis, se cache une épidémie beaucoup plus grave, qui est en train d'apparaître : le papillomavirus. Dès aujourd’hui, il commence à tuer beaucoup plus que le sida. Le papillomavirus est responsable du cancer du col de l’utérus, du cancer oropharyngé et du cancer du rectum. Ce virus ne se dépiste pas avec des tests classiques, il peut apparaître des années après une complication. La Prep oui, le préservatif sûrement !"