Coronavirus : avec les tests antigéniques, "on va laisser passer des cas"

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Mathilde Durand
Le gouvernement a donné le feu vert à un déploiement plus large des tests antigéniques permettant de détecter le nouveau coronavirus en une trentaine de minutes. Jean-Claude Azoulay, vice-Président du Syndicat national des médecins biologistes alerte sur Europe 1 : ces tests sont moins fiables que les RT-PCR.
INTERVIEW

Le ministère de la Santé a ouvert la voie samedi à un large déploiement des tests antigéniques pour détecter le Covid-19, en prenant un arrêté qui autorise leur remboursement pour les personnes symptomatiques. Comme les tests RT-PCR, cette méthode de dépistage est réalisée par un prélèvement dans les narines. Mais quand un test PCR nécessite une analyse en laboratoire pour matériel génétique du virus, le test antigénique, lui, détecte en 30 minutes la protéine de ce dernier. Un dépistage plus rapide certes, mais moins fiable alerte Jean-Claude Azoulay, vice-Président du Syndicat national des médecins biologistes, sur Europe 1. 

Des précautions à prendre, même en cas de tests négatifs 

"La Haute Autorité de santé avait déjà émis un avis favorable le 9 octobre dernier afin de les utiliser pour les patients symptomatiques. Le fait de les étendre à d'autres usages, c'est un peu plus discutable : le test n'est pas suffisamment sensible à mon avis. Donc, le mettre dans des aéroports, ça peut poser problème", explique le médecin biologiste.

"Il faut savoir que le test est positif quand le patient porte de très nombreux virus sur lui, puisque c'est un test qui va détecter la protéine du virus, contrairement à la PCR qui va amplifier le génome du virus. Donc, il y a des précautions à prendre. Les patients positifs, il est certain qu'ils sont bien positifs. Par contre, au niveau des négatifs, on va laisser passer des cas."

D'ici la fin du mois, les tests antigéniques vont être généralisés dans les aéroports, avait annoncé Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué aux Transports. Jusqu'ici, les tests antigéniques n'étaient autorisés que dans le cadre d'opérations collectives de dépistage, les personnes avec des symptômes en étaient exclues, et leur résultat devait être confirmé par un test RT-PCR. Si Jean-Claude Azoulay comprend la décision du gouvernement pour faciliter le trafic des voyageurs, il appelle à la précaution.

"A partir du moment où le patient a un test, même négatif, il faut qu'il porte son masque très sérieusement dans le vol. Évitez de l'enlever, qu'on ne serve pas de repas, pas de boisson, de façon à ce qu'il n'y ait pas de possibilité pour ces patients qui sont moyennement positifs de contaminer leur voisinage", énumère le vice-président du Syndicat national des médecins biologistes. "Je pense qu'on doit continuer à faire des tests PCR et utiliser les tests antigéniques lorsque les voyageurs n'ont vraiment pas pu se faire tester, ou lorsqu'il y a une escale."

Ces tests antigéniques sont désormais étendus au dépistage individuel et peuvent être réalisés par des infirmiers, pharmaciens ou médecins, sous certaines conditions : patients de moins de 65 ans, pas de risques de formes graves, personnes symptomatiques seulement si un test RT PCR ne peut être obtenu avant 48 heures et si le test antigénique se déroule moins de quatre jours après les premiers symptômes, par exemple. 

Une amélioration des délais pour les tests RT-PCR

Ainsi, dans l'immédiat, le test antigénique ne pourra pas remplacer le test RT-PCR, ni dans l'efficacité, ni dans la possibilité de tester massivement, indique Jean-Claude Azoulay, qui espère cependant l'arrivée de tests plus sensibles. "Certes, il existe des tests PCR rapides, mais ils coûtent beaucoup plus chers et c'est aussi unitaire. Ça dure aussi 20 minutes et c'est extrêmement précis. On ne peut en faire que quelques uns à la fois. On ne peut pas faire 230.000 tests par jour en tests rapides. C'est impossible. Si j'avais 500 tests à faire avec dix techniciens, il faudrait qu'ils travaillent quatre heures en continu !".

Le vice-président du Syndicat national des médecins biologistes se veut toutefois confiant et constate une amélioration du dépistage en France, notamment dans les délais. "Les résultats sont rendus en 24 à 48 heures, et même parfois moins de 24 heures dans certains cas, quand c'est très urgent", confie-t-il. "On y arrive en priorisant et c'est pour ça qu'on trouve beaucoup de positif. On fait en priorité ceux qui sont susceptibles d'être positifs pour que ces personnes acceptent de se confiner après."