LA QUESTION SEXO - La sexualité de mes parents peut-elle définir la mienne ?

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© VALERY HACHE / AFP
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Vendredi, dans l'émission "Sans Rendez-Vous", la sexologue Catherine Blanc répond à une auditrice qui se demande si sa sexualité n’a pas été influencée par ce qu’elle a pu, un jour, entrapercevoir de celle de ses parents.
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Que peut-il bien se passer dans l’obscurité de la chambre parentale ? Cette question hante généralement les enfants, passé l’âge où l’on peut encore croire que les filles naissent dans les roses et les garçons dans les choux. Vendredi, au micro de Mélanie Gomez dans Sans rendez-vous, l’émission santé d’Europe 1, la psychanalyste et sexologue Catherine Blanc explique pourquoi la sexualité parentale fascine autant qu’elle révulse. Et surtout, de quelle manière elle peut, indirectement, influencer notre propre rapport au sexe.

La question d’Élodie, 40 ans

"Adolescente, j’ai trouvé un godemiché dans la table de nuit de mes parents. Ça m’a dégoûtée. Aujourd’hui encore, cette pensée me met très mal à l’aise. J’ai pour ma part une sexualité très classique, ce que me reproche mon mari. Qu’en pensez-vous ?"

La réponse de Catherine Blanc

"Cet événement est survenu à un âge où l’on interroge et construit sa sexualité. Ce n’est pas l’objet qui pose un problème, mais le fait d’être rentré dans l’intimité, d’avoir eu une idée, une vision de la sexualité parentale. Bien évidemment, tous les enfants et les adolescents ont une curiosité de ce qui se passe entre papa et maman, mais tout en espérant qu’il ne se passe absolument rien. Pour Élodie, avoir vu un godemiché, c’est comme avoir vu un vrai pénis, quand bien même ça n’en est pas un. Symboliquement, ce godemiché n’était plus un sex-toy, un jouet sexuel, mais un objet qui raconte le réel de la vie sexuelle de ses parents."

Pourquoi peut-on être autant marqué par la vie sexuelle de ses parents ?

"L’enfant est extrêmement ambivalent. Il est dans le souhait de savoir ce qui se passe dans la relation intime de ses parents, parce qu’il se cherche lui-même. Il cherche le rôle qu’il pourrait jouer. Selon le moment de son développement, qu’il s’agisse d’une fille ou d’un garçon, il peut être dans une envie de séduction du père ou de la mère. La sexualité est une façon de se dire ce que sera d'être un adulte. Mais il s’agit de quelque chose que l’enfant veut pouvoir élaborer, tout en refusant d’imaginer pourvoir y participer. Il finit donc par se coincer avec son propre imaginaire : plus il a pensé à papa et maman faisant l’amour pour imaginer ce que lui-même pourrait désirer une fois grand, plus il se mêle et s’emmêle à la sexualité parentale. Il nourrit ainsi une angoisse œdipienne, l’angoisse de franchir un interdit, celui de l’inceste.

Le spectre de la sexualité parentale peut-il aller jusqu’à générer un traumatisme ?

"Comme Élodie imagine que sa mère joue dans l’intimité, qu’il ne s’agit pas seulement d’une sexualité pour avoir des enfants mais d’une sexualité érotisée, elle lui oppose une sexualité plus traditionnelle, à but de procréation potentielle. Pour s’assurer de ne pas vivre la sexualité de sa mère, Élodie a sclérosé sa sexualité dans un cadre extrêmement maîtrisé. Si elle se met à jouer sexuellement, éventuellement avec un godemiché, elle pourrait avoir peur d’appeler fantasmatiquement ses parents pendant l’acte.

Elle se dit toujours hantée par cette image. Des gens peuvent être hantés par l’interdit d’un parent au point d’avoir l’impression, quand ils font l’amour, que ce parent rentre dans la pièce pour leur dire : 'Qu’est-ce que tu es en train de faire ?' Dans le cas d’Élodie, la solution n’est certainement pas d’essayer d’avoir une explication avec sa mère, ce serait comme recommencer à l’imaginer pendant l’acte sexuel, car celle-ci sera soit à se défendre, soit à raconter sa vie sexuelle. Il vaut peut-être mieux en parler à un thérapeute, pour résoudre cette équation : Élodie veut une sexualité extrêmement normée pour se prémunir de la sexualité parentale, mais en conservant ce souvenir, elle continue de l’érotiser.