LA QUESTION SEXO - Faut-il forcément parler de sa sexualité à ses proches ?

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Catherine Blanc
La question de la sexualité entre deux frères jumeaux est un sujet souvent tabou. C'est aussi le cas pour Lucas et son frère qui, malgré leur complicité, n'abordent jamais ce thème. Au micro d'Europe 1, mercredi, la sexologue et psychanalyste à Paris Catherine Blanc répond au jeune homme, qui s'interroge sur la sexualité de son frère.

Une grande complicité et un tabou majeur. Entre Lucas et son frère jumeau, la proximité est évidente, naturelle, sauf sur un point très précis : la sexualité. Sur cette question, Lucas s'interroge sur l'éventuelle homosexualité de son frère. Surtout, le jeune homme se questionne sur la nécessité ou pas de lui en parler. La sexologue et psychanalyste à Paris Catherine Blanc lui donne des conseils au micro d'Europe 1, pour bien aborder cette situation importante pour lui, mais délicate.

La question de Lucas

Je suis hyper proche de mon frère jumeau. On se dit quasiment tout, mais nos aventures sexuelles restent quand même assez taboues. Je pense que mon frère est gay, dois-je lui en parler ?

La réponse de Catherine Blanc

La sexualité n'est pas un sujet comme un autre. Certains pourront ainsi parler de sexualité, mais pas d'amour, car c'est le sentiment amoureux qui serait plus intime. En tout cas, je trouve ça plutôt intéressant que des jumeaux qui auraient tendance à tout partager, de par une histoire utérine de fusion, s'approprient leur propre histoire et leur propre cheminement. La réalité, c'est qu'ils ne sont pas siamois. Ils sont jumeaux, certes, mais pas siamois.

On peut être proche sans pour autant parler de sexualité ?

Bien sûr. À partir du moment où on est proche de quelqu'un, on a besoin de s'identifier, d'exister par soi-même. Il y a donc des sujets que l'on garde de côté. C'est la même chose pour les enfants vis-à-vis des parents, ou même dans un couple. On ne partage pas tout au sein du couple parce qu'il y a des choses qui sont notre petit jardin secret, qui nous permettent de nous déterminer.

À l'inverse, il y a des gens de qui nous ne sommes pas proches et nous nous permettons pourtant de dire des choses intimes. Comme ils sont loin, on n'est pas confronté au regard permanent de cette personne à qui on s'est livré, qu'on a sentie digne de confiance.

Lucas a peut-être peur que son frère souffre…

Je crois que c'est une question qui n'est pas liée au fait d'être des jumeaux. Faut-il en parler ou pas ? Je crois que la première des choses est de se dire la chose suivante : 'On ne se parle jamais de notre sexualité. Peut-être que c'est bien comme ça, mais si tu avais envie d'en parler ou si tu avais des sujets sur lesquels tu étais inquiet, je suis ton frère et tu sais que je t'aime.' On n'est pas obligé d'aller demander à l'autre de se révéler dans sa sexualité, dans son regard sur la sexualité, dans sa façon d'envisager sa sexualité. Mais on peut se dire qu'on le sent en difficulté ou timide. Peut-être qu'il y a un sujet, mais s'il n'y a pas de sujet, chacun fait sa vie, comme ça, ça ouvre le champ des possibles.

Il pourrait une épaule sur laquelle son frère pourrait s'appuyer, si besoin.

Est-ce que c'est pour celui qui serait homosexuel que ce serait le plus compliqué ? Ou est-ce que celui qui pose la question peut être inquiet ? Étant fusionnel avec son frère, qu'il soit en désir d'homme, ça peut compliquer la réceptivité du sujet. Ce n'est pas lié au fait d'être jumeaux, mais je crois qu'il y a des sujets où on doit accepter que son jumeau ne nous appartient pas et que ce jumeau a une vision de la vie très différente. Cela pourrait être le cas sur des tas d'autres sujets que la sexualité. C'est aussi vrai chez des amis. Vous avez des amis qui se disent tout, absolument tout, mais pas le sujet de la sexualité. Ce n'est pas parce qu'on est jumeaux, encore une fois, qu'on est le même corps.

Il y a des jumeaux qui n'ont de cesse de vouloir enfin respirer par eux-mêmes, de leur côté. C'est très anxiogène d'avoir le sentiment que l'autre est une moitié de soi. C'est peut-être aussi pour ça qu'ils ne se parlent pas de sexualité, parce que c'est parler aussi d'élans dans un extérieur et qui va les séparer. De fait, ils font comme s'il n'y avait pas ces agents de séparation pour rester fusionnels. Ils n'abordent donc pas le sujet de la sexualité pour ne pas remettre en question cette fusion qui fait leur histoire particulière.