Épidémie de dengue à la Réunion : quelle ampleur et quels dangers ?

L'épidémie s'intensifie sur l'île de La Réunion. (Photo d'illustration)
L'épidémie s'intensifie sur l'île de La Réunion. (Photo d'illustration) © YE AUNG THU / AFP
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Antoine Terrel
La Réunion fait face à une épidémie de dengue, avec 1.388 cas depuis le début de l'année. Il s'agit de la pire propagation du virus depuis les années 1970.

Les autorités de La Réunion sont inquiètes. L'épidémie de dengue "s'intensifie dans l'ouest et le sud", a alerté mardi la préfecture. Au total, 1.388 cas ont été confirmés depuis le début de l'année, soit la pire propagation vue sur l'île depuis les années 1970.

Rien que pour la semaine du 9 au 15 avril, toujours selon la préfecture, "396 cas de dengue ont été signalés par les laboratoires de ville et hospitaliers". Et la comparaison avec les statistiques des autres années est vertigineuse. La maladie connaissait "une petite circulation", avec une pointe à 228 cas en 2004, selon les chiffres de l'Agence régionale de Santé Océan Indien (ARS). Europe 1 fait le point sur la situation à la Réunion et sur cette maladie qui touche 50 millions de personnes dans le monde chaque année. 

Quelle est la situation à la Réunion ? 

Face à l'aggravation de l'épidémie, la préfecture et l'ARS ont décidé le 26 mars d'activer le niveau 3 du plan Orsec de lutte contre les arboviroses (terme désignant la maladie virale). Les équipes du service de lutte anti-vectorielle de l'ARS mènent de nombreuses interventions pour éliminer les insectes autour des habitations touchées, par traitements insecticides, et ont détruit plus de 3.000 gîtes contenant des larves de moustiques depuis le début de l'année. 

La crise est inédite pour la Réunion, où le nombre de personnes touchées diminue habituellement à la fin du mois de décembre. "L'hiver austral n'a pas stoppé l'épidémie comme il le fait d'habitude et on se trouve dans un niveau de transmission qui rappelle l'épidémie de chikungunya en 2005-2006", explique à la 1ère Frédéric Simard, chercheur à l'IRD de Montpellier. La persistance de foyers de transmission fait donc craindre à l'IRD "une crise épidémique majeure durant la saison pluvieuse, propice à l'augmentation de la densité des moustiques, vecteurs du virus", précise l'Institut dans un communiqué. Les fortes chaleurs et l'humidité sont en effet propices au développement du moustique tigre. 

Autre facteur aggravant : la population de la Réunion n'est pas immunisée contre le virus, note Santé publique France, indiquant que "seuls 3,1% de donneurs de sang, testés en 2008, avaient des anticorps contre le virus". 

Quels sont les symptômes du virus et comment peut-on l'éviter ? 

Appelée aussi "grippe tropicale", la dengue est "une maladie virale transmise à l'homme par des moustiques du genre Aedes (ou moustique tigre), indique sur son site l'Institut Pasteur. Cinquante millions de cas sont recensés chaque année par l'OMS. 

Maux de tête, nausées et vomissements. Toujours selon l'Institut, la dengue se manifeste "brutalement après deux à sept jours d'incubation par l'apparition d'une forte fièvre, souvent accompagnée de maux de tête, de nausées, de vomissements, de douleurs articulaires et musculaires, et d'une éruption cutanée ressemblant à celle de la rougeole". Mais la forme classique de la dengue n'est pas considérée comme une maladie sévère. 

En revanche, la dengue peut devenir mortelle lorsqu'elle prend une forme hémorragique. Ces hémorragies peuvent être "gastro-intestinales, cutanées, et cérébrales". Dans ce cas, "la seule solution est d'être près d'un hôpital pour pouvoir bénéficier de transfusions sanguines, et d'une surveillance des dérèglements du métabolisme", expliquait à L'Express Anna Bella Failloux, entomologiste à l'Institut Pasteur. L'OMS estime à 500.000 le nombre de cas de dengue hémorragique, mortels dans plus de 2,5% des cas. 

Santé publique France rappelle les gestes de prévention élémentaires pour éviter de contracter le virus. Les Réunionnais sont donc invités à se protéger des piqûres, mais également à "éliminer les récipients d'eau" autour des habitations, et "les déchets favorisant les gîtes larvaires". 

Où en sont les recherches ?

La recherche n'a pour l'instant pas permis de créer un vaccin efficace contre le virus. Le laboratoire Sanofi s'y est essayé, avec le Dengvexia. Mais alors que la dengue peut se transmettre sous quatre serotypes différents, le vaccin n'est pas efficace contre les quatre simultanément. Le groupe a ensuite enchaîné les échecs, finissant en novembre par déconseiller son utilisation, sauf en cas d’antécédents.

Si le vaccin "apporte un effet protecteur persistant contre la dengue aux individus déjà infectés par le passé", indiquait Sanofi, pour les autres, "à la suite de la vaccination, davantage de cas sévères de dengue pourraient être observés en cas d'exposition au virus", alertait le groupe dans un communiqué. Ces inquiétudes pour la santé publique avaient poussé les Philippines en décembre à suspendre l'utilisation du vaccin

Comme le rappelle la 1ère, de nouvelles méthodes de lutte sont actuellement développées par plusieurs laboratoires, dont l'IRD, visant par exemple à stériliser les moustiques et empêcher leur reproduction. "Nous élevons en laboratoire des moustiques de la Réunion. Nous sélectionnons les mâles que nous rendons stériles. La femelle moustique ne s'accouple qu'une seule fois dans sa vie. Ce qui rend notre technique très efficace car ces mâles stériles génèrent après l'accouplement avec les femelles des pointes non viables, anéantissant ainsi la descendance", explique Frédéric Simard.