Chaleur en France : faut-il s'attendre à une hausse des virus «exotiques» ?

Des cas de dengues "autochtones" sont détectés en France (Illustration).
Des cas de dengues "autochtones" sont détectés en France (Illustration). © YE AUNG THU / AFP
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avec AFP
Avec les fortes chaleurs, de plus en plus de moustiques et de cas de dengues "autochtones" sont détectés en France. Europe 1 fait le point avec na-Bella Failloux, spécialiste des maladies liées aux moustiques à l'Institut Pasteur, alors que les températures battent de nouveaux records de saison fin octobre.

Après un été marqué par les fortes chaleurs, et de gigantesques incendies, voici que l'automne se révèle beaucoup plus doux que la normale, aggravant la sécheresse selon Météo France dans le sud du pays. Avec ces températures élevées, de plus en plus de moustiques et de cas de dengues "autochtones" sont détectés en France. Anna-Bella Failloux, spécialiste des maladies liées aux moustiques à l'Institut Pasteur, explique qu'il faut s'attendre à une hausse des virus qui étaient classiquement "exotiques".

Qu'observe-t-on de particulier en ce mois d'octobre ?

Les moustiques tigres sont encore présents, or ils ne devraient plus être là à cette période de l'année. Le moustique tigre est un "vecteur": il est en fait "compétent" pour transmettre des virus qui vont être pathogènes pour l'humain, comme la dengue. On a recensé plus de 60 cas de dengue "autochtones": un tel nombre, ça n'était jamais arrivé. Cela semblait même inimaginable il y a quelques années. Le virus arrive en France via des personnes revenant de l'étranger, dans des endroits où il circule beaucoup, notamment sous les Tropiques.

En piquant un humain, le moustique tigre absorbe du sang, laisse passer le virus à l'intérieur de son corps jusque dans ses glandes salivaires. Quand il pique de nouveau, il réinjecte ce virus: c'est ainsi que fonctionne la transmission et que sont générés des cas autochtones sur des personnes qui n'ont pas quitté le territoire.

A quoi peut-on s'attendre à l'avenir ?

Des maladies liées aux moustiques, classiquement "exotiques", sont maintenant capables d'être transmises par un moustique tempéré en France. Le premier cas de dengue autochtone en France date de 2010. On avait eu un premier cas autochtone de chikungunya en 2010 également, et un premier cas de zika en 2019. Avec le changement climatique, il faut s'attendre à davantage de moustiques et donc de virus. Au lieu d'avoir des moustiques à partir de début mai, on les verra dès avril. Et ils resteront plus tard après la fin de l'été.

Plus il va faire chaud à l'extérieur, plus le cycle de développement du moustique va se raccourcir. Entre l'oeuf et l'adulte, il faut dix jours. Mais si la température augmente par exemple de 5 degrés, le cycle se raccourcit à huit jours. A l'avenir, on aura donc des densités de moustiques qui vont augmenter puisqu'il leur faudra moins de temps pour devenir adulte.

Le changement climatique va par ailleurs leur offrir davantage d'espaces à coloniser. Aujourd'hui, le moustique tigre est installé dans le sud de la France. Il va s'y installer durablement et tenter de coloniser d'autres sites plus au nord qui lui offriront un espace où les températures seront de plus en plus adaptées à son développement et à sa survie.

Faut-il s'inquiéter ?

Il faut rester vigilant, essayer d'anticiper. On s'attend à une hausse des virus car les populations continuent à voyager et les écosystèmes autour de nous fortement perturbés seront prêts à accueillir les moustiques. Dans le cas de la dengue, il n'y a pas de vaccin à large utilisation et les moustiques tigres sont résistants aux insecticides qu'on utilise. Or la dengue tue entre 30.000 et 50.000 personnes par an dans le monde.

On teste différentes méthodes pour l'éradiquer. L'une d'elle consiste à introduire dans la nature des moustiques infectés par une bactérie bloquant la circulation du virus. On le fait aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.