Servier, un labo pas comme les autres

© MAXPPP
  • Copié
avec Damien Gourlet , modifié à
- Derrière la réussite commerciale, se trouve une firme aux pratiques troublantes.

Son nom est désormais associé au scandale du Mediator. Le laboratoire français Servier a commercialisé ce médicament antidiabétique entre 1976 et novembre 2009, date de son interdiction sur le marché. L'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) estime qu'entre 1,5 et 2 millions de patients ont été exposés au médicament. Toujours selon les estimations de l’agence sanitaire, le Mediator aurait fait entre 500 et 2.000 morts depuis sa mise sur le marché.

Damien Gourlet, journaliste d’Europe 1, a enquêté sur le laboratoire Servier. Et il a découvert, derrière la réussite commerciale, un fonctionnement très particulier.

Jacques Servier, seul maître à bord

Première spécificité : la personnalité de son patron, Jacques Servier, 88 ans. Un homme qui a transformé une petite pharmacie d’Orléans en deuxième laboratoire français. Une entreprise gérée de façon assez paternaliste. Dans son laboratoire, rien ne se fait sans lui, rien ne se fait contre lui, indiquent plusieurs sources interrogées par Europe 1.

"Le déni initial tient au personnage même de Jacques Servier", assure Dominique-Michel Courtois, président d’une association de victimes. "Il y a eu des expertises financées par Servier qui n’étaient pas favorables et qui sont restées dans les cartons. (…) Dire quelque chose ou faire une réprimande au chef peut paraître inconcevable", ajoute t-il.

"C’est un peu l’équivalent d’un mandarin" :

Une structure particulière

Dans le même temps, il y a un esprit très "corporate" dans l’entreprise. La contestation ne fait pas partie de la culture-maison. C'est écrit en toutes lettres sur le site Internet du laboratoire. "Rejoindre Servier, c'est adhérer au projet d'une entreprise fondée par un homme passionné par son métier".

La structure du laboratoire Servier est également particulière. Calquée sur le modèle d’une fondation, on y trouve une accumulation de petites unités. La conséquence, d'après un salarié interrogé par Europe 1 : une dilution des responsabilités.

Servier et le lobbying

Philippe Even, président de l’Institut Necker, dénonce l'attitude du pouvoir à l'égard du laboratoire.

Le laboratoire Servier est présent dans les instances médicales, les conseils d’administration des hôpitaux ou encore les autorités de régulation. "Le scandale du Mediator est directement lié à l’infiltration par Servier de toutes les structures décisionnelles", assure le professeur Philippe Even, président de l’Institut Necker.

"Ce n'est pas un hasard", estime le médecin :

Selon des témoignages recueillis par Europe 1, le laboratoire Servier n’hésite pas non plus à faire du lobbying sur les bancs de la fac de médecine, lors de cours de bachotage et des examens blancs destinés à préparer le concours de l'internat.