Vote caché, vote volatile, Ces votes imprévisibles de la primaire de la droite…

François Fillon, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy sont promis aux trois premières places dimanche soir lors du premier tour de la primaire. Mais dans quel ordre ? Les sondeurs restent très prudents.
François Fillon, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy sont promis aux trois premières places dimanche soir lors du premier tour de la primaire. Mais dans quel ordre ? Les sondeurs restent très prudents.
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La nature même de la primaire de la droite rend difficile toute prévision. Et incite les instituts de sondage à la prudence, surtout depuis la victoire inattendue de Donald Trump aux Etats-Unis.

Le premier tour de la primaire de la droite approche, et l’incertitude n’en finit plus de grandir. L’écart entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy se resserre, et l’émergence de François Fillon bouleverse les scénarios écrits depuis des semaines, selon lesquels le maire de Bordeaux et l’ancien président de la République s’affronteraient au cours du duel final. Depuis la victoire surprise de Donald Trump aux Etats-Unis, le prudence des instituts de sondage est de plus en plus grande. "On est sur une élection inédite", rappelle Frédéric Dabi, de l’Ifop. Et les inconnues restent nombreuses. Il y a le vote caché, d’abord, avancé par Nicolas Sarkozy, mais aussi des incertitudes sur la volatilité des électeurs et la participation.

  • Le vote caché ? "Un argument de campagne"

Prudents donc, les sondeurs, mais pas quand il s’agit du vote caché, avancé surtout par Nicolas Sarkozy, et selon lequel lequel des électeurs tairaient, par honte ou par calcul, leurs véritables intentions. "Un paquet de gens n'osent pas dire qu'ils votent Sarko, un peu comme Jean-Marie Le Pen il y a quelques années", confiait François Baroin à à Paris Match en octobre. "Ça relève pas mal de l’argument de campagne, respectable certes, de la part de ceux qui sont à la traîne dans les sondages", répond Frédéric Dabi. "Le vote caché, on n’y croit pas tellement", abonde Carine Marcé, directrice associée de Kantar-Sofres.

Les sondeurs s’appuient sur une donnée simple : le "souvenir du vote". Quand ils sont interrogés, les Français sont invités à dire pour qui ils ont voté à la présidentielle précédente. Longtemps, le score du Front national était sous-déclaré. Il y avait là un véritable vote caché. Mais depuis, le gros des sondages se fait par internet, et plus par téléphone. "On n’a plus d’interlocuteur direct et on n’a peut-être moins peur de la réaction de l’autre", analyse Frédéric Dabi. "Aujourd’hui, le ‘souvenir du vote’ est de plus en plus propre". Résultat : le phénomène a quasiment disparu, même concernant Marine Le Pen. Quant à Nicolas Sarkozy ? "Dans notre dernière enquête,  26,9% des personnes interrogées affirment avoir voté Sarkozy en 2012. Il avait fait combien en 2012 ? 27,2%. On est donc très proche", explique le sondeur. Qui réfute donc l’idée d’un vote honteux pour l’ancien président.  

  • La vraie incertitude : la "fluidité" du corps électoral

Pour autant, il reste un vrai doute sur les résultats de dimanche soir. Et il s’explique simplement. "Les offres électorales sont quand même très proches, et le corps électoral est homogène. Il y a donc une grande fluidité potentielle des électeurs", admet Frédéric Dabi.  "Pour les sympathisants de droite prêts à aller voter, ce ne serait pas se renier que de passer d’un candidat à l’autre. On a beaucoup plus peur de cet aspect-là que du vote caché", confesse-t-il. "Il suffit de voir comment les chiffres ont évolué entre l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy en août et aujourd’hui", complète Carine Marcé. "Cela montre une grande volatilité potentielle, ce qui est bien normal car les candidats, malgré tout, se ressemblent."

" En 1995, il y a eu une fluidité entre Chirac et Balladur que nous n’avions pas prévue "

Frédéric Dabi cite un exemple célèbre, et, surprise, ce n’est pas celui de 2002, quand Jean-Marie Le Pen avait devancé Lionel Jospin pour se qualifier au second tour de la présidentielle. "Le score était quand même serré, et l’écart avait tendance à se réduire, nous l’avions mesuré", assure Frédéric Dabi. "Non, le vrai raté, c’est en 1995". A l’époque, Lionel Jospin, toujours, affronte au premier tour Jacques Chirac et Edouard Balladur, deux candidats issus du RPR. Tous les instituts de sondage donnaient jacques Chirac largement en tête. "Mais il y a eu cette fluidité que nous n’avions pas prévue, et au final, Jacques Chirac a fait un score moins élevé que prévu, et Edouard Balladur était plus haut qu’attendu". Et c’est le candidat socialiste qui est arrivé en tête. "Ça, aucun institut ne l’avait donné, jamais", rappelle le directeur de l’Ifop. La leçon de cette volatilité potentielle a été retenue. Mais elle reste difficile, voire impossible, à quantifier.

  • Le nombre de votants, une donnée essentielle

Le résultat dépendra aussi du nombre de personnes qui se déplaceront aux urnes dimanche. "C’est l’autre écueil", explique Carine Marcé. "Il y a, à mon avis, un peu trop de gens qui nous disent vouloir voter par rapport à ce qui sera réellement le cas, notamment parmi  les électeurs de gauche et du centre", estime la directrice associée de TNS-Sofres. Et ça peut tout changer. "On sait très bien que s’il y a moins de votants, cela profitera surtout à Nicolas Sarkozy", explique de son côté Frédéric Dabi.

Alors les sondeurs se prémunissent. La TNS-Sofres publie ainsi deux résultats, l’un avec une participation large, l’autre avec une plus restreinte. L’Ifop, lui, insiste particulièrement sur les sympathisants de droite et du centre. "On met systématiquement leur résultat en avant dans nos analyses", explique Frédéric Dabi. La prudence est donc largement de mise chez les instituts, qui ne veulent pas qu’au soir du 20 novembre, l’attention se focalise aussi, et surtout, sur leurs éventuelles défaillances.