Valls candidat ? Un scénario triplement risqué

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La primaire s’annonce d’autant plus risquée que Manuel Valls compte des ennemis dans son propre camp. © PATRICK KOVARIK / AFP
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Après le renoncement de François Hollande jeudi soir, le Premier ministre a officialisé sa candidature à la présidence de la République lundi soir. Mais ce ne sera pas un long fleuve tranquille.

Il l’a dit sans ambages à plusieurs reprises. Et l’a bien fait savoir ces derniers jours. Dans l’hypothèse, désormais confirmée depuis jeudi soir, où François Hollande n’était pas candidat à sa propre succession, Manuel Valls serait candidat "dans la minute". Cette fameuse minute est passée, mais le Premier ministre parlait évidemment au sens figuré. Et de fait, l’annonce est survenue lundi soir. Il sera candidat donc, mais de là à l’imaginer à l’Elysée, il y a un gouffre. Car nombreux sont les obstacles qui se dressent sur sa route.

Une primaire qui n’est pas gagnée d’avance

D’abord, Manuel Valls devra passer par une primaire qui ne sera pas sans danger. D’abord, il n’est pas sûr encore de qui il va affronter les 22 et 29 janvier prochains. A la fin de l’été, Najat Vallaud-Belkacem avait laissé entendre qu’elle pourrait se présenter si François Hollande n’était pas candidat. Il se murmure également que Marisol Touraine, forte de son bon bilan au ministère de la Santé, serait tentée. Ces questions doivent être tranchées avant le 15 décembre, date limite du dépôt des candidatures. Evidemment, Manuel Valls aurait plus de chances s’il était le seul représentant du gouvernement sortant.

Mais même alors, rien ne serait gagné. A gauche, la ligne "vallsiste", faite de social-libéralisme, n’est pas des plus populaires. Selon un sondage Elabe datant de septembre 2016, l’actuel Premier ministre recueillerait 31% des votes au premier tour. Il arriverait en tête, mais sans aucune réserve de voix face à Arnaud Montebourg, Benoît Hamon - qui totalisent 39% d’intentions de vote à eux deux – et Marie-Noëlle Lieneman. Pas simple, donc.

Un Premier ministre impopulaire jusque dans son camp

La primaire s’annonce d’autant plus risquée que Manuel Valls compte des ennemis dans son propre camp. Son inimitié avec la très influente Martine Aubry est ainsi de notoriété publique. Et quand la maire de Lille se serait accommodée d’une candidature de François Hollande, il n’est sera sans doute pas de même de celle de son ennemi intime. Par ailleurs, c’est sur la personnalité même de Manuel Valls, dont les méthodes parfois brutales rebute, que se sont constitués les frondeurs.

Et le salut ne devrait même pas venir de François Hollande. Pas un mot de soutien du président de la République envers son premier ministre lors de son annonce, jeudi soir par exemple. Et chez les plus proches hollandais, ce n’est pas franchement un enthousiasme débridé quand il s’agit de soutenir Manuel Valls. Sur Europe 1, Bernard Poignant, ami proche et conseiller spécial du chef de l’Etat, a refusé de le soutenir, se disant orphelin de candidat. Jean-Pierre Mignard, autre intime, a lui carrément annoncé sur Europe 1 qu’il soutenait Emmanuel Macron. Enfin il n’y aura probablement aucune aide à attendre de Ségolène Royal, qui s’est opposée à plusieurs reprises, publiquement et frontalement, à son Premier ministre depuis sa nomination à l’Ecologie en 2014.

Une présidentielle quasiment impossible à gagner

Si d’aventure Manuel Valls franchissait tous ces obstacles avec succès il lui resterait une élection présidentielle à gagner. Et là, ça se compliquerait singulièrement. Non seulement il devrait faire face à une droite et une extrême droite fortes, mais il devrait aussi composer avec une offre pléthorique à gauche. Outre l’inclassable Emmanuel Macron, il faudrait ferrailler avec Jean-Luc Mélenchon, soutenu par les communistes, et l’écologiste Yannick Jadot, auxquels il faut ajouter les candidats d’extrême gauche. Dans ces conditions, la qualification au second tour semble presque impossible à assurer.

Les sondages ne disent pas autre chose. Selon deux études parues à la fin du mois de novembre, l’actuel Premier ministre émarge à 9% et 11% d’intentions de vote. En cinquième position, derrière François Fillon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. L’histoire récente a montré que de telles tendances pouvaient se renverser, mais c’est quand même bien mauvais signe. Et si, en renonçant, François Hollande s’était contenté de laisser son collaborateur aller dans le mur à sa place ?