Taxation des contrats courts : Pénicaud veut faire payer les entreprises "qui remettent indéfiniment les demandeurs d'emploi au chômage"

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Romain David , modifié à
La ministre du Travail, invitée d'Europe 1, entend limiter les recours aux CDD et à l'intérim.
INTERVIEW

Les contrats sont de plus en plus courts. Un tiers des CDD ne dure qu'une journée et 87% moins d'un mois, selon une étude publiée par le ministère du Travail. Une situation qui contribue à générer du chômage et à laquelle le gouvernement entend s'attaquer. "Aujourd'hui, il y des entreprises qui recourent excessivement aux CDD et aux intérims et d'autres qui ont plus recours aux CDI, dans le même secteur", relève Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, invitée lundi de la matinale d'Europe 1. "Il n'y a pas de raison que ceux qui ont les politiques d'emploi les plus vertueuses payent pour celles qui remettent indéfiniment les demandeurs d'emploi au chômage", estime-t-elle.

La précarité à vie. "La France recourt beaucoup beaucoup [sic] aux emplois précaires. Huit emplois sur dix, c'est du CDD ou de l'intérim, c'est très difficile d'entrer vers le CDI, tout le monde le sait", explique la ministre. "Sept embauches sur dix sont des CDD de moins d'un mois, cela a beaucoup augmenté depuis dix ans". "On a un nombre important de demandeurs d'emploi condamnés à vie à la précarité si l'on agit pas", alerte-t-elle. "Quand on sait que 85% de ces emplois sont chez le même employeur, qui une fois, dix fois, vingt fois, trente fois, va embaucher pour une journée ou quelques jours la même personne, on se dit qu'il y a un besoin permanent".

L'Etat prêt à intervenir. De quoi pousser l'exécutif à intervenir, quand bien même la mise en place d'une taxation des contrats courts, l'une des promesses de campagne d'Emmanuel Macron, ne figure pas à ce stade dans le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, actuellement débattu à l’Assemblée nationale. "Il y a une disposition qui dit que si, d'ici la fin de l'année, les partenaires sociaux n'ont pas trouvé de solution […], le 31 décembre, l'Etat pourra, par décret, modifier les règles pour les employeurs et les salariés", fait valoir Muriel Pénicaud. Soit mettre en place un système de bonus-malus, inspiré du principe du "pollueur-payeur", et qui vise à faire payer "ceux qui font peser sur la collectivité les effets d'une politique d'emploi de précarité totale", détaille-t-elle.

Un système pernicieux ? "Il y a des règles dans l'assurance chômage qui encouragent ça, c'est ça qu'il faut que l'on revoie", pointe également Muriel Pénicaud, qui évoque le phénomène de "permittence", c’est à dire l’enchaînement de petits boulots tout en restant inscrit à Pôle emploi, ce qui pousserait selon elle certains demandeurs d’emploi à refuser un travail à plein temps pour lequel ils seraient moins bien payés qu'avec l'allocation chômage. "Il faut faire le bonus-malus, mais voir aussi d'autres règles", ajoute la ministre du Travail, sans plus de précision.