Sénatoriales : trois raisons de s'intéresser au scrutin de dimanche

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© LIONEL BONAVENTURE / AFP
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La Chambre haute renouvelle la moitié de ses membres le 24 septembre prochain. Une élection qui ne passionne pas les foules mais qui n’est pourtant pas dénuée d’enjeux. 

Pour ceux qui l’ignorent - et ils sont sans doute nombreux -, dimanche se tient une élection à portée nationale en France. Avec ces sénatoriales, la Chambre haute du Parlement doit renouveler la moitié de ses membres, même si un certain nombre d’élus devraient retrouver leur siège pour les six prochaines années. Moins de six mois après une présidentielle et des législatives au fort retentissement médiatique et public, le scrutin suscite plus de désintérêt qu’il ne soulève les passions. D’abord parce qu’il ne concerne qu’un collège de grands électeurs, ensuite parce que le rôle du Sénat, à majorité de droite, et qui devrait le rester, reste assez largement méconnu. Pourtant, l’élection de dimanche n’est pas dénuée d’enjeux. Voici pourquoi il faut suivre les sénatoriales.

Parce que c’est la première élection sous la présidence Macron

L’état de grâce, pour Emmanuel Macron, c’est fini. Et même si le suffrage pour les sénatoriales n’est pas universel, le président de la République passe là un premier test. Conscient des difficultés actuelles du chef de l’Etat, matérialisées par des sondages de popularité en berne, La République en marche, qui compte actuellement un groupe de 29 élus, a d’ailleurs revu ses ambitions à la baisse. Alors que François Patriat, chef de file de la bataille pour LREM au Sénat, avait parlé d’un objectif d’une soixantaine d’élus avant l’été, quand la vague Macron était au plus haut, l’objectif haut est plutôt désormais d’une cinquantaine de sénateurs.

Les sénatoriales seront aussi l’occasion de jauger la grogne des élus locaux, qui composent l’essentiel du collège électoral. Fâchés tant par la baisse des subventions que la suppression annoncée de la taxe d’habitation pour une majorité de ménages, les conseillers municipaux, notamment, auront l’occasion de traduire leur mécontentement dans les urnes. Là encore, il s’agira d’un enseignement à tirer pour l’exécutif.

Parce qu’il y a l’enjeu des 3/5èmes

Mais le principal enjeu, pour Emmanuel Macron, concerne la réforme constitutionnelle qu’il veut faire adopter, et dont la mesure la plus spectaculaire implique la baisse du nombre de parlementaires.  Pour cela, il a besoin de la majorité des 3/5èmes du Congrès, soit 555 députés et/ou parlementaires. A l’Assemblée, le chef de l’Etat peut compter sur environ 385 élus, dont 313 LREM, 47 MoDem et les 35 Constructifs des Républicains et de l’UDI. Il lui manque donc pas moins de 160 élus de la Chambre haute. C’est beaucoup.

D’où l’importance, pour La République en marche, de remporter le plus de sièges possibles, pour ensuite entamer une opération conquête des autres élus des Républicains, du Parti socialiste et des centristes, qu’ils soient radicaux, MoDem ou UDI. L’opposition ne s’y est pas trompée. "Il n’y a pas cette majorité des trois cinquièmes, cela veut dire qu’il n’y a pas de blanc-seing donné à la nouvelle majorité et au président de la République", a expliqué Brice Hortefeux jeudi sur Public Sénat. "S’il n’y a pas les trois cinquièmes, Emmanuel Macron devra renoncer aux réformes institutionnelles", a insisté l’eurodéputé. Si tel est le cas, Emmanuel Macron aura le choix entre deux mauvaises solutions : soit recourir au référendum, par essence périlleux pour la majorité, ou abandonner sa réforme.

Parce que le Sénat a (quand même) quelques pouvoirs

Régulièrement accusé d’inutilité, menacé parfois de suppression, le Sénat résiste, encore et toujours. Les sénateurs défendent bec et ongles leur rôle dans la République. Leur premier argument, c’est qu’ils permettent souvent un examen des projets ou propositions de loi plus apaisé qu’à l’Assemblée nationale, où les clivages sont parfois caricaturaux. Au Palais du Luxembourg, il est plus aisé de dépasser les divisions traditionnelles. "Ça reste un vrai contre-pouvoir. Le Sénat a toujours été une chambre d’opposition", explique sur Europe 1 Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste, Professeur de Droit public à l'Université Lille 2. "Même quand il a la même couleur que le gouvernement, il ne suit pas aveuglément le gouvernement. Il est là pour tempérer."

Par ailleurs, les modifications apportées par le Sénat ne sont pas toujours balayées d’un revers de main par l’Assemblée nationale, qui a le dernier mot en matière législative. Selon La Voix du Nord, 63% des amendements adoptés par les sénateurs sont ensuite adoptés par l’Assemblée. "L’Assemblée a le dernier mot, c’est vrai, mais en réalité, c’est assez rare que l’Assemblée nationale tranche en dernier lieu", confirme Jean-Philippe Derosier. "Le sénat fait la loi, contrôle le gouvernement, au même titre que l’Assemblée nationale."