Santé : ce que Juppé et Fillon veulent nous prescrire

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Europe 1 a comparé le programme des deux candidats en matière de santé. © AFP
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PROGRAMME - Lors du dernier débat de la primaire, les deux finalistes avaient regretté de ne pas pouvoir parler de santé. Que proposent-ils ?

"Les Français veulent savoir ce que le président de la République veut faire en matière de santé. Alors je vais commencer en disant que je voudrais que l'on réforme profondément la politique de santé de notre pays", avait déclaré, jeudi dernier, François Fillon, coupant la parole à David Pujadas lors de l'ultime débat avant le premier tour de la primaire. Quelques instants après, Alain Juppé l’avait approuvé, regrettant de n’avoir pas été interrogé sur ce sujet "fondamental". Une semaine plus tard, les deux finalistes se retrouvent pour un dernier débat avant la désignation du candidat de la droite et du centre. L’occasion pour Europe 1 de comparer le programme des deux candidats en matière de santé.

Les points communs : abandon du tiers payant et "désengorgement de l’hôpital"

Les deux rivaux ont repris un certain nombre de mesures issues du socle programmatique de leur parti.Principale d’entre-elles : la suppression du tiers payant généralisé. "Il donne le sentiment au patient que la médecine est gratuite et conduit à des abus", a récemment dénoncé François Fillon. Idem selon Alain Juppé, pour qui cette mesure, qui doit devenir effective fin décembre, constitue "une gratuité fictive des soins".

Les deux candidats se rejoignent aussi sur leur volonté de mettre la médecine libérale au centre du parcours de santé des Français. Chacun d’entre eux propose, par exemple, de "garantir" la liberté d’installation des généralistes. Ils veulent tous deux "désengorger l’hôpital" en développant la médecine ambulatoire et la médecine de ville, voire la médecine à domicile et la télémédecine pour Alain Juppé.

Les deux rivaux avancent également plusieurs mesures pour favoriser la recherche et le développement et renforcer l’innovation dans le domaine de la santé. François Fillon et Alain Juppé se rejoignent, enfin, sur leur volonté de supprimer l’Aide médicale d’Etat pour les étrangers en situation irrégulière, sauf en cas d’urgence sanitaire.

Les différences : un virage libéral pour Fillon

Pour Fillon, la "Sécu" doit se concentrer sur les maladies graves. Voilà pour les points communs. Lorsqu’on observe les deux projets stéthoscopes, la différence entre les deux candidats se fait surtout sur leurs propositions en matière de réduction du "trou" de la Sécurité sociale. Comme pour le reste de son programme économique, François Fillon veut donner un tournant radicalement libéral à notre système de santé. Le député de Paris veut ainsi instaurer une distinction dans les remboursements : avec lui, les traitements des maladies graves et de longue durée continueront à être remboursés de la même manière par la Sécurité sociale, mais "le reste" sera à la charge des complémentaires santés privées. Pour éviter que celles-ci fassent bondir leur prix, François Fillon propose la création d’une "agence de contrôle et de régulation de l’assurance de santé privée".

Autre mesure emblématique défendue par le favori de la primaire : les employés de la fonction publique hospitalière devront travailler 39h, et leur rémunération fixée "au cas par cas". Soucieux de réduire la dette publique à tous les étages, le Sarthois entend établir "une règle d’or" pour la "Sécu". En clair, une fois que les comptes seront à l’équilibre, le déficit doit être interdit.

Juppé veut traquer les fraudes. Alain Juppé, pour sa part, propose une règle plus souple pour réduire les déficits : "toute dépense nouvelle devra faire l'objet d'économies équivalentes ou de financements identifiés dès le départ", explique-t-il dans son programme. Pour rétablir les comptes, le maire de Bordeaux veut surtout lancer une "lutte sans concession contre toutes les formes de fraudes" prônant une "tolérance zéro pour les actes inutiles et redondants", mais sans préciser comment elle doit se mettre en place.

Avec les économies qu’il espère réaliser, le maire de Bordeaux entend "augmenter de 10% en 5 ans les sommes consacrées à la prévention et à l'éducation en santé", lancer un "plan de lutte contre les addictions" ou encore mettre en place un "programme" pour étudier les liens entre santé et environnement    .

Qu'en pensent les médecins ? 

Chacun défend donc une vision différente du système de santé. Pour François Fillon, il ne faut pas hésiter à faire des économies radicales pour solidifier le système. Pour Alain Juppé, il y a des acquis qu’il ne faut pas toucher. Pour défendre leurs programmes respectifs, les deux candidats se sont entourés d’une "caution médecin" : Dominique Stoppa-Lyonnet, chef du service de génétique de l'institut Curie et porte-parole de François Fillon et Jean Leonetti,  médecin cardiologue de formation, auteur de la loi sur la fin de vie et porte-parole d'Alain Juppé. Et leurs déclarations respectives illustrent bien les différences entre les deux candidats.

"François Fillon propose une chasse au gaspis (…) en répartissant les dépenses à la fois sur l’Assurance-maladie et les complémentaires", argumente ainsi Dominique Stoppa-Lyonnet,  contactée par le site d’Allo docteurs. "La Sécu, c’est la solidarité nationale pour ceux qui sont malades. On ne doit pas toucher à la solidarité vis-à-vis des malades et à l’excellence de la médecine française", lui rétorque Jean Leonetti, pour qui il faut arrêter "de regarder la médecine comme quelque chose qui coûte cher, alors qu’elle a donné dix ans de survie en plus aux Français ces dernières années".

Interrogé par Le quotidien du médecin, Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (majoritaire chez les médecins en général, deuxième chez les généralistes) estiment que les deux programmes "vont dans le bon sens". "Les réponses sont argumentées alors que le thème de la santé a été quasiment oublié de la campagne des primaires", précise-t-il, se gardant d’émettre "une consigne de vote". "François Fillon est clairement libéral dans son programme général, et il veut y intégrer les médecins en tant qu'entrepreneurs, alors qu'Alain Juppé donne une place plus importante à l'État", résume pour sa part le Dr Eric Henry, président du Syndicat des médecins libéraux, pour qui "libéral est un mot-clé".

Une opinion que ne semblent pas partager la majorité des Français. Selon un sondage Elabe publié mercredi, le programme d’Alain Juppé est jugé meilleur par les Français sur "la protection sociale et la santé", 55% des sondés émettant un avis "favorable" aux mesures avancées par le maire de Bordeaux, contre seulement 36% pour le député de Paris.