Quel avenir pour Jean-Marie Le Pen ?

Jean-Marie Le Pen
Jean-Marie Le Pen ai siège du FN, en mai 2014. © KENZO TRIBOUILLARD / AFP
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Mis au ban du Front national, "le menhir" assure qu'il n'en a pas fini avec sa carrière politique.
ENQUÊTE EUROPE 1

"Je ne suis pas du tout retraité politique et je n'ai pas du tout l'intention de prendre ma retraite". Au lendemain de sa suspension du Front national, Jean-Marie Le Pen était très clair au micro d'Europe 1 : non, Marine Le Pen n'en a pas fini avec lui. Mais que peut-il encore espérer ? Comment peser dans le débat, alors qu'il a été "désavoué" par sa famille politique, selon ses propres termes ? Europe 1 a mené l'enquête.

Créer son propre parti ?

À 87 ans, Jean-Marie Le Pen peut-il se lancer dans la construction d'un nouveau parti politique, comme il l'a fait en 1972 avec le Front national ? Lui se laisse en tout cas la porte ouverte. "Je ne sais pas. Je réfléchis", a déclaré "le Vieux", mardi soir sur France 2. "Je m'en entretiendrai avec lui, mais je ne crois pas qu'il mette cela sur la table", estime quant à lui Bruno Gollnisch, l'un des seuls à prendre encore sa défense.

Wallerand de Saint-Just, qui a longtemps été son avocat avant de le lâcher lors du bureau exécutif, n'y croit pas une seule seconde :"Il peut essayer, mais je ne vois pas les militants le suivre. La popularité de Marine est telle qu'elle écrase la sienne. Il ne ferait pas plus d'1% au premier tour de la présidentielle." Une analyse partagée par Nicolas Bay, eurodéputé et porte-parole du FN : "ce n'est pas crédible ! Il est dans une logique d'amertume et de violences verbales, cela ne fait pas un programme politique…" Jérôme Fourquet, directeur du Département opinion publique à l'Ifop, est encore plus clair : "il est trop âgé, trop isolé et son image est trop dégradée".

S'associer à un parti déjà existant ?

Si la direction du FN ne croit pas une seule seconde à la possibilité de le voir repartir de zéro, Jean-Marie Le Pen a une autre carte à jouer : s'associer à un mouvement déjà existant. "Je dois m'interroger sur les possibilités qu'a le courant national de s'exprimer à temps pour sauver notre pays", assurait-il, sur France 2, énigmatique.

Si un rapprochement avec la Ligue du Sud de la famille Bompart est exclu – les deux camps se détestent depuis des années – un autre ancien banni du FN pourrait lui ouvrir ses portes : Carl Lang, président du Parti de la France (PDF), un mouvement nationaliste.Député européen du Front national de 1994 à 2009, il est suspendu - lui aussi - en 2009 pour s'être présenté contre… Marine Le Pen, qu'il accusait d'avoir été parachutée dans sa région du Nord. Contacté, Carl Lang laisse la porte (grande) ouverte : "le PDF n'a aucun problème idéologique avec Jean-Marie Le Pen. S'il souhaite participer à l'émergence d'une nouvelle droite nationale, alors nous pourrons travailler ensemble".

"Cela rendrait service aux deux hommes, mais ce serait, à mon sens, un coup ponctuel. Pour se lancer aux régionales en Paca, par exemple, il ne faut pas moins de 200 candidats, sans compter toute la logistique derrière ! C'est beaucoup de contraintes", tempère Jérôme Fourquet. Réplique de Carl Lang : "j'ai des troupes, mais peu de moyens." Jean-Marie Le Pen, lui, n'a plus de troupes, mais a des moyens, lui. Carl Lang rit franchement, puis glisse : "s'il décide de se présenter aux régionales, il disposerait d'un fort courant de sympathie. Je n'exclus aucune hypothèse". Les entourages des deux hommes auraient déjà pris langue.

Crier encore, crier plus fort ?

Jean-Marie Le Pen a démontré au cours de sa longue carrière politique qu'il était un maitre ès coup de gueule. Marine Le Pen ne dira pas le contraire. Le combattant a encore de la moelle, et elle le sait mieux que personne. "Je me battrai par tous les moyens", a déjà promis son père sur Europe 1.

Être privé de l'étiquette FN n'empêchera pas Jean-Marie Le Pen de continuer à s'exprimer. Mais aura-t-il autant d'influence ? "Dans quelques temps, ce qu'il pourrait dire n'intéressera plus personne. Avant, cela rejaillissait sur le FN, donc cela avait de l'impact. Mais désormais que la coupure est actée, il sera en roue libre…", tranche  Wallerand de Saint-Just. Jérôme Fourquet est lui aussi pour le moins sceptique : "Que peut-il dire de plus violent que ce qu'il a dit ces derniers jours ? Rien, il a déjà tiré toutes ses cartouches, donc dans quelques temps, sa parole n'intéressera même plus les médias." Et de conclure : "il deviendrait, aux yeux des Français, un vieux monsieur qui enrage de sa défaite."

Écrire un livre ?

Maintes fois annoncé, le récit des souvenirs de l'octogénaire est sans cesse repoussé. Des années qu'il travaille dessus."Ayant commencé ma vie politique officielle il y a près de soixante ans, ils sont longs à rédiger", s'excusait-il sur le site Enquête et Débat, en 2012. Désormais déchargé de toute fonction politique active, l'heure est peut-être venue de s'y consacrer à plein temps. Et cela en soulagerait certains.

"Plutôt que de ruer dans les brancards, il ferait mieux de s'atteler à la rédaction de ses mémoires. Cela serait un élément important de la vie politique française. Il a vu beaucoup de choses, rencontré beaucoup de monde. il a plein de choses à raconter", lui conseille Wallerand de Saint-Just. "Cela pourrait être une bonne chose et lui permettrait de finir sur une note plus positive, plus sage", insiste Nicolas Bay. "Je comprends qu'ils soient d'accord avec cette idée au FN, comme ça ils n'auraient plus à le gérer", s'amuse le sondeur Jérôme Fourquet.

Wallerand de Saint-Just, l'(ex) ami de 30 ans, confie avoir déjà lu quelques pages de l'ouvrage en cours d'écriture : "ce serait un coup de tonnerre politique !", assure-t-il. Notre sondeur veut bien y croire : "il a 60 années de vie politique derrière lui. Il a déjà fait des révélations par le passé et, connaissant son goût pour la provocation, cela ne m'étonnerait pas qu'il ait conservé quelques scoops dans sa besace…"