Propos de Jean-Luc Mélenchon sur la police : «Un "Premier ministre" ne devrait pas dire ça»

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Nicolas Beytout , modifié à
Gérald Darmanin a dénoncé les "insultes" proférées par Jean-Luc Mélenchon contre la police. Le leader de La France insoumise l'accuse de tuer, après que trois policiers ont ouvert le feu sur les passagers d'une voiture, samedi à Paris, tuant une passagère. Notre éditorialiste Nicolas Beytout y voit une nouvelle occasion pour Jean-Luc Mélenchon de "taper sur les flics".
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Une de plus. Jean-Luc Mélenchon ne rate plus une occasion de taper sur les flics, les accusant cette fois de se comporter comme des tueurs, et traitant un de leurs syndicats, Alliance, de secte composée de factieux. On sait bien que celui qui ambitionne d'être le prochain Premier ministre est coutumier de l'outrance. C'est l'inconvénient, lorsqu'on se pique d'être un tribun, on peut parfois se laisser griser par la puissance des mots. On sait bien aussi qu'il a un contentieux avec les policiers et les gendarmes, depuis son célèbre "La République, c'est moi", hurlé à la face d'un membre des forces de l'ordre lors d'une perquisition dans les locaux de La France insoumise.

Mais cette fois, les termes choisis sont d'une incroyable violence. Car, que dit Jean-Luc Mélenchon ? Il ne dit pas "des policiers ont tué", ce qui serait la bonne manière de décrire les événements dramatiques qui se sont déroulés ce week-end à Paris. Non, il dit : "La police tue", ce qui est une façon de porter l'accusation sur l'ensemble du monde policier, qui aurait ainsi, impunément, le permis de tuer. C'est le même glissement sémantique que lorsqu'il parle des violences policières, formule qui suggère que la police est intrinsèquement, viscéralement violente.

Jean-Luc Mélenchon n'en est pas à sa première attaque

Les manifestations des Gilets jaunes, leurs débordements ultra-violents et les blessés que cela avait provoqués parmi les manifestants, lui avaient déjà donné une matière première féconde pour casser du flic. Plus récemment, il s'est illustré pendant la campagne électorale présidentielle en dénonçant "une police qui fait ce qu'elle veut quand elle veut".

Début mai, après l'élection, donc, il avait continué dans la même veine en accusant le syndicat Alliance, déjà lui, d'exiger "le droit de pouvoir tirer sur les gens sans que le ministre de l'Intérieur ne dise un mot". Ce week-end, il s'y est même repris à deux fois pour attaquer ceux qu'il accuse d'être des flics tueurs. C'est bien une stratégie délibérée.

Dans quel but ?

Faire de la politique. Pour une frange de la population française, les forces de l'ordre sont toujours présumées coupables. Coupables de violence, de racisme, de contrôle au faciès, coupable d'être un État dans l'État, d'abriter en leur sein des syndicats sectaires, défendant une vision fascisante de la société. Naturellement, il y a parmi les policiers quelques moutons noirs, sûrement des ripoux, peut-être des dingues de la gâchette.

Mais sont-ils "la" police ? Évidemment non. Sont-ils au-dessus des lois ? Évidemment non. Sont-ils punis lorsqu'ils dérapent ? Évidemment oui. Cette stigmatisation des flics, cette dénonciation d'une violence structurelle parle à cette frange de la population, et c'est ça qui intéresse Jean-Luc Mélenchon.

Le soi-disant futur Premier ministre y trouve une partie de sa réserve électorale, jeunes gens issus de l'immigration qui se vivent comme victimes d'un racisme d'État, militants de la gauche de la gauche hostiles à tout ce qui porte un uniforme, sans oublier quelques esprits faibles pour qui le flic est forcément un dictateur en herbe.

Trois Français sur quatre apprécient leur police

C'est la grosse faille de la stratégie Mélenchon. Pour être Premier ministre, mieux vaut donner des gages à ceux des Français qui veulent un pays dans lequel la loi est respectée. Pour diriger un pays comme la France, mieux vaut ne pas être l'adversaire des forces de l'ordre.

Manuel Bompard, un des proches de Jean-Luc Mélenchon à la tête de La France insoumise, l'a bien compris : il a expliqué que son parti n'était pas anti-flics. Mais trop tard, le mal était fait, et refait : pour Mélenchon, la police tue. Voilà qui risque d'ouvrir les yeux de pas mal d'électeurs de gauche, sincèrement républicains ceux-là, qui peuvent maintenant comprendre que cette conception de l'État n'est pas la leur et que, décidément, un "Premier ministre" ne devrait pas dire ça.