Débat de la primaire : du fond, des divisions mais pas de tension

Pendant deux heures, Benoît Hamon et Manuel Valls se sont exprimés sur le travail, l'environnement, le terrorisme et l'international.
Pendant deux heures, Benoît Hamon et Manuel Valls se sont exprimés sur le travail, l'environnement, le terrorisme et l'international. © bertrand GUAY / POOL / AFP
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Benoît Hamon et Manuel Valls ont exposé de grandes divergences de fond mercredi soir, lors de l'ultime débat de la primaire de la gauche. Dans un climat plutôt apaisé, cependant.

Ils avaient affûté leurs armes. Mais après les joutes violentes des derniers jours, le face-à-face entre Benoît Hamon et Manuel Valls n'a pas tourné au pugilat, mercredi, lors du tout dernier débat télévisé de la primaire de la gauche. Les deux qualifiés pour le second tour, qui se tiendra dimanche, ont néanmoins mis au jour un grand nombre de divisions sur des sujets tels que le travail, la sécurité ou, dans une moindre mesure, l'environnement.

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QUESTIONS POLITIQUES

23 heures. Temps de conclure. Au terme de deux heures de débat, Benoît Hamon comme Manuel Valls achèvent leur discussion avec deux conclusions de haute volée. Le premier reprend son slogan, "faire battre le cœur de la France" et file la métaphore. "Je souhaite que ce cœur robuste, vaillant, nous aide à dessiner un futur désirable et gouverne de nouveau la France." Répondant à certaines critiques qui ne lui trouvent pas les épaules suffisamment solides pour la fonction, il précise avoir "le caractère pour accomplir cette tâche". Pour faire gagner la gauche, "il faut des hommes et des femmes aux idées, aux valeurs claires". Enfin, il résume sa vision de la gauche, "robuste, sincère, authentique et en capacité de proposer un futur désirable".

Manuel Valls, lui, se félicite d'un "beau débat" qui a "permis de clarifier les uns et les autres". Et reprend sa position favorite, celle d'ancien Premier ministre plein d'expérience. "Je veux incarner cette belle République, cette passion de l'égalité. Je veux redonner de l'espoir, rassembler les forces vives de ce pays." Disant vouloir s'adresser "au cœur et à la raison", Manuel Valls répète qu'il a "de l'énergie, de l'envie" et qu'il veut faire en sorte que "nous soyons davantage fiers de nous-mêmes". 

22h56. Escarmouche finale. Le débat, qui s'est déroulé dans un climat apaisé, loin des attaques indirectes et répétées des derniers jours, se conclut néanmoins par un échange de coups. Si les deux hommes s'engagent à soutenir le gagnant de la primaire, Manuel Valls ajoute : "J’ai toujours respecté les règles, ce qui n’a pas toujours été le cas de Benoît au cours des deux dernières années". La réponse de l'intéressé ne se fait pas attendre longtemps : "Respecter les règles, c’est commencer par respecter les programmes sur lesquels on est élu".

22h54. Hamon plus proche de Mélenchon, Valls de Macron. À la question : "de qui vous sentez-vous le plus proche : Emmanuel Macron ou Jean-Luc Mélenchon ?", Benoît Hamon explique avoir des points d'accords avec le premier sur la révolution numérique et ses conséquences sur l'emploi, sur la transition écologique avec le second. "Je me pose comme architecte et artisan d’un rassemblement de la gauche qui repose sur des idées", lance-t-il. Puis de préciser : "Je suis dans la gauche et la gauche comprend Jean-Luc Mélenchon. Aujourd'hui, Emmanuel Macron se dit "ni de droite ni de gauche. Regardez ses propositions sur le travail. La gauche, elle commence avec ceux qui se disent de gauche."

Manuel Valls, au contraire, se place "au cœur des progressistes", de Benoît Hamon et Arnaud Montebourg jusqu’à Emmanuel Macron, "pour une seule raison : nous avons gouverné ensemble". 

22h50. Gros tacle de Valls sur Fillon. Interrogés sur l'affaire de l'emploi fictif présumé de Penelope Fillon, épouse de François, Benoît Hamon comme Manuel Valls préconisent d'interdire dans la loi, pour un parlementaire, le fait d'employer à ses côtés un membre de sa famille. Et Manuel Valls de parodier François Fillon : "Vous imaginez De Gaulle employant Tante Yvonne à l'Élysée ?"

SÉCURITÉ, TERRORISME ET INTERNATIONAL

22h47. Plus d'Europe pour moins d'Amérique. Face à la menace, de la part de Donald Trump, de disloquer l'OTAN, Benoît Hamon comme Manuel Valls prônent plus d'Europe. "Il faut que l'Europe soit forte et unie. L'une de mes décisions, c'est de convoquer une réunion de tous les Européens qui le souhaitent", explique Manuel Valls. "Nous ne pouvons pas nous faire prendre de revers par une alliance entre le président américain et le président russe." Benoît Hamon est d'accord et précise que pour "saisir cette opportunité du désengagement des États-Unis, il faut faire en sorte aux pays européens [notamment de l'Est] d'être moins dépendants énergétiquement de la Russie". 

22h45. Continuer "l'effort" de guerre. Pour l'un comme pour l'autre, la France doit continuer à "assumer ses responsabilités" sur les terrains extérieurs. "Cet effort doit être augmenté à 2% du PIB", appuie Manuel Valls. Benoît Hamon, lui, plaide "pour un deuxième porte-avions avec révision générale du Charles-de-Gaulle”.

22h41. Passe d'armes autour de l'état d'urgence. Manuel Valls se montre particulièrement offensif dès que la question de l'état d'urgence est abordée. Car Benoît Hamon, qui a voté pour après le 13-Novembre, ainsi que pour la première prorogation, a ensuite refusé de prendre part aux votes. "Quand on est candidat à la présidence de la République, il y a une transparence à avoir auprès des Français. [Benoît Hamon] s'est abstenu, n'a pas non plus voté la loi sur le crime organisé en juin 2016", souligne-t-il. 

Benoît Hamon rétorque immédiatement sur le même mode. "Quand on est candidat à la présidence de la République, on écoute les avis des plus hautes juridictions de l'État français. Qu'ont-elles dit ? Que l'état d'urgence ne doit pas devenir un état permanent." Disant "assumer entièrement" ses votes, l'ancien ministre de l'Éducation justifie aussi son vote contre la loi de juin 2016 par le fait qu'elle prévoyait "d'importer les dispositions qui relevaient de l'état d'urgence" dans une loi ordinaire. 

22h34. Combattre l'État islamique. Pour Manuel Valls, "il faut continuer à combattre l’État islamique" et "se préparer à judiciariser tous [les Français] qui reviennent [de Syrie]". "Il y a peu d’alternatives sur ces questions-là. Je suis pour la plus grande fermeté", avance de son côté Benoît Hamon. Sur la question du contrôle aux frontières, ce dernier souhaite "mettre en place un Esta européen (formulaire d'entrée dans le pays), comme aux États-Unis, pour que la protection soit plus efficace". L'ex-Premier ministre plaide simplement pour "davantage de contrôles" et "davantage de patrouilles". 

CARTE BLANCHE & QUESTIONS

22h25. Le "very bad english" de Manuel Valls. Questionnés par des téléspectateurs sur leurs capacités en anglais, les deux participants ont donné des réponses...contrastées. "Yes", s'exclame Benoît Hamon, qui revendique de parler anglais "fluently" [couramment]. "My english is very bad but I speak well Spanish" [Mon anglais est très mauvais mais je parle bien espagnol], admet Manuel Valls, né à Barcelone. Sans transition, aucun des deux ne souhaite revenir sur l'âge légal de départ à la retraite.


"My english is very bad, but I speak well in spanish", tente Manuel Valls

En revanche, la question de Notre-Dame-des-Landes les divise profondément. "Je suspendrai la déclaration d'utilité publique du chantier", assure Benoît Hamon. "Gouverner, c'est assumer les responsabilités", rétorque Manuel Valls, qui a toujours défendu la construction de l'aéroport contre vents et marées. "C'est un projet ancien, soutenu par la plupart des élus et la population. Il y a eu un vote. Je ne veux pas que nous reculions."

22h22. Valls choisit l'Afrique, Hamon la culture. Comme lors du troisième débat, les deux candidats ont eu chacun une "carte blanche" pour parler pendant une minute d'un sujet qui leur est cher. Manuel Valls choisit l'Afrique, "grand continent d'avenir". "C'est le grand défi de demain, ce sera le défi de ma politique étrangère." L'ancien Premier ministre promet de "doubler" l'aide au développement. Benoît Hamon, de son côté, choisit de parler de culture. "On a eu un quinquennat contrasté", fait-il remarquer. "Malgré les efforts, l'essentiel des crédits se concentrent sur l'Île-de-France. Il y a un enjeu fondamental à démocratiser" la culture et à "soutenir l'entrepreneuriat culturel". Lui suggère de "réfléchir à un statut des artistes", sur le modèle de celui des intermittents. Et à "se poser la question des droits d'auteur à l'ère du numérique".

SOCIÉTÉ

22h17. Environnement : pas vraiment de clivage. La question de l’environnement, déjà évoquée plus tôt, revient dans le débat. Manuel Valls assure qu’il ne remettra pas l’écotaxe, abandonnée en octobre 2014, sur pied. Il propose en outre de "sortir avec précaution et méthode de cette drogue qu’a été le diesel", avant de défendre le bilan du quinquennat en matière environnementale. "Nous devons continuer dans ce sens", explique-t-il.

"Le bilan du gouvernement va dans le bon sens", acquiesce Benoît Hamon. "Mais il faut être beaucoup plus ferme avec les lobbys privés et industriels quand ils veulent remettre en cause la santé de nos compatriotes", prévient-il.

22h06. Valls dénonce des "ambiguïtés" du côté de Hamon. L'argument avait commencé à poindre pendant l'entre-deux-tours. Manuel Valls l'a ressorti pendant le débat, de manière bien moins virulente néanmoins. L'ancien Premier ministre pointe les "ambiguïtés" de Benoît Hamon, mais surtout de l'un de ses porte-paroles, Alexis Bachelay, à l'égard de l'islam radical. "Il faut être impitoyable sur ces questions : pas d'accommodement, pas de compromis", répète-t-il.

Benoît Hamon se défend pied à pied. "Ce que je veux, c'est que dans ce pays, il n'y ait plus un juif, un musulman, un homosexuel, une femme qui a baissé la tête pour ce qu'il est." L'ancien ministre de l'Éducation propose de "se doter d'un corps d'inspecteurs qui, demain, vérifie dans un logement que ce logement ne soit pas réservé qu'aux personnes de la bonne couleur, que dans une entreprise, les emplois ne soient pas réservés à certains profils. Ou que tel espace n'est pas interdit aux femmes."

22h00. Laïcité et voile. Place à la laïcité. Manuel Valls prend la parole en premier : "La laïcité n’est pas un glaive, c’est un bouclier. C’est une conviction, une valeur, c’est l’Histoire de la France", rappelle-t-il, ajoutant qu'il "ne peut pas y avoir le moindre accommodement". "Aujourd’hui, il y a une revendication politique à propos du voile qui conteste la République. Il faut être capable d’y répondre de manière déterminée".

Benoît Hamon évoque à son tour sa vision de la laïcité, en citant... François Hollande. "La laïcité, ce n’est pas la religion de ceux qui n'ont pas de religion". Sur la question du voile, il estime que "là où il est imposé, nous devons tout mobiliser pour que cette femme ne soit pas soustraite au regard des hommes". "Là où une femme, librement, et il en existe, décide de porter le foulard islamique, elle est libre de le faire", explique-t-il en revanche. 

ÉCONOMIE

21h48. "Faire rêver" contre "crédibilité". Sur la question des dépenses publiques, Manuel Valls se montre catégorique : "tout ce que propose Benoît Hamon n'est pas possible sans augmentation des impôts. Cela se traduira par une hausse massive des impôts, de la CSG ou du déficit et des dettes." Lui estime que "les impôts ont trop augmenté entre 2010 et 2014. Nous avons engagé la baisse et je veux continuer dans ce sens". "L'option politique que je propose, c'est la justice", rétorque Benoît Hamon qui précise qu'il ne compte pas augmenter la fiscalité.

21h46 : Valls veut "voir loin". Manuel Valls joue la carte de la transparence "devant les Français", en dévoilant son plan de "15 à 16" millions de dépense en matière de sécurité, de justice et de défense. "Je ne propose pas une marche forcée vers le zéro déficit", explique-t-il. "Cependant, il faut voir loin."

21h43. "La dette environnementale, c’est la priorité". Prenant le prétexte d'une question sur les dépenses publiques, Benoît Hamon déplace la discussion sur le terrain de la santé et de l’environnement. "Je propose la constitutionnalisation des droits communs : le droit à boire une eau de qualité et un air de qualité", avance le candidat de 49 ans, qui souhaite interdire les perturbateurs endocriniens. "On négocie avec les banquiers, pas avec la nature. La dette environnementale, c'est la priorité", lance-t-il, alors que l'État cumule environ 2.200 milliards d'euros de dette publique.

TRAVAIL

21h31. Divisions sur le revenu universel. Pomme de discorde de cette primaire, le revenu universel revient sur la table. Manuel Valls y est farouchement opposé. "Je pense que nous devons faire preuve d'imagination et je ne reprocherai jamais à Benoît Hamon de réfléchir, d'ouvrir des champs. Depuis plusieurs mois, j'y réfléchis aussi", précise-t-il. Mais lui préfère proposer un "revenu décent", fusion des minima sociaux qui déboucherait sur une allocation de 800 euros mensuels "sous condition de ressources". "Au-delà du coût budgétaire, ce revenu universel me paraît s'éloigner de l'idée que les Français ont du travail. [Avec le revenu universel] on renonce à la société du travail, on accepte la société du chômage et on distribue à chacun la même somme."

En face, Benoît Hamon tente de rassurer sur le financement de sa mesure. "Un transfert de richesses de 300 ou 40 milliards d'euros du jour au lendemain, ce n'est pas possible. La première étape se concentre sur les 18-25 ans", détaille-t-il. Ce qui coûterait 45 milliards d'euros, "la même somme que le CICE". Par ailleurs, le candidat appelle à ne pas avoir "une approche strictement comptable" de l'économie. Selon lui, le revenu universel va rapporter, notamment en permettant aux jeunes et aux plus modestes de consommer plus. 

21h20. Lapsus. À noter : le lapsus de Manuel Valls, qui, s’exprimant sur l’automatisation du monde du travail, confond la plateforme locative AirBnB et... le R'n'B.


R'n'B' au lieu de Airbnb, le lapsus de Manuel Valls

21h19. Hamon taille (légèrement) le bilan du quinquennat. Benoît Hamon en profite également pour critiquer le bilan de Manuel Valls à la tête du gouvernement, et notamment sur la loi Travail. "Il y a eu un rendez-vous raté avec la loi Travail : la reconnaissance des maladies psychiques dues au travail, explosion des burn-out qui ne sont pas reconnus comme maladies professionnelles (...) Il faut reconnaître le syndrome d'épuisement au travail", propose le candidat arrivé en tête au premier tour.

21h15. Premiers désaccords. Le premier des grands thèmes abordé lors de ce débat est le travail. "La révolution technologique est en train de détruire de nombreux emplois", estime Benoît Hamon, qui se base sur un rapport de l’OCDE qui anticipe que pour la France, environ 10% des emplois seraient menacés à l'horizon 2025. "Cette révolution numérique est une bonne nouvelle, encore faut-il savoir comment nous partageons le travail", lance le député des Yvelines, qui propose "un nouveau pilier à notre protection sociale : le revenu universel mais aussi que demain, les baisses de cotisations sociales patronales soient consenties en contrepartie de la réduction du temps de travail et d'emplois créés", détaille-t-il. Face à cette baisse du temps de travail en dessous des trente-cinq heures, Manuel Valls défend quant à lui la défiscalisation des heures supplémentaires. Pour l'ancien Premier ministre, "le travail ne va pas diminuer, il va prendre d’autres formes". "Tu n’as à opposer à ces études que ta foi, ta croyance", lance Benoît Hamon.

21h03. L'heure des présentations. Pendant leur minute de présentation, les deux candidats rappellent les fondamentaux de leur programme et de leur vision. Benoît Hamon dénonce ainsi la "droite totale de François Fillon qui défend la régression de notre modèle social" et le "projet xénophobe et nationaliste" de Marine Le Pen. "Si la gauche ne veut pas jouer le rôle de figurant, il faut qu'elle tourne le dos à l'ordre ancien, qu'elle propose un futur désirable, un imaginaire collectif puissant." Rappelant qu'il propose revenu universel d'existence et nouvelle répartition du temps de travail, mais aussi VIe République et mesures environnementales, l'ancien ministre de l'Éducation appelle à faire gagner "ce futur désirable" en votant pour lui. 

De son côté, Manuel Valls rappelle que cette primaire est "un vrai choix proposé aux électeurs de gauche" et que ce débat est "historique". "Je crois que la gauche est toujours utile aux Français", ajoute-t-il. "Je m'adresse au coeur et à la raison de mes compatriotes. Je veux porter une société du travail, incarner la République, la laïcité, les valeurs, les règles qui s'imposent." Selon lui, "la victoire est possible" à la présidentielle.

20h55. Les candidats en place. Les deux orateurs sont fin prêts. Avant que les choses sérieuses commencent, Benoît Hamon et Manuel Valls se sont serré la main et ont salué les journalistes.

20h05. Les deux finalistes sont arrivés. Benoît Hamon et Manuel Valls sont tous deux arrivés, environ une heure avant le début du débat, dans le studio de la Plaine-Saint-Denis, près de Paris. C'est ici-même qu'avait eu lieu le débat d'entre-deux-tours de la primaire de la droite, entre François Fillon et Alain Juppé.

Projet contre projet.Arrivé en tête du premier tour, Benoît Hamon a à cœur de marteler ses mesures phares, qui avaient déjà beaucoup animé les débats précédents. Il devra notamment revenir sur sa proposition de revenu universel d'existence, à laquelle Manuel Valls est farouchement opposée. L'ancien Premier ministre, de son côté, doit convaincre après s'être contenté d'une deuxième place au premier tour. Et montrer que son projet contient aussi des mesures fortes. Les deux candidats s'expriment d'abord sur les thématiques liées au travail, avant d'embrayer sur l'environnement et les questions régaliennes.