Présidentielle : qui est le vrai Mélenchon ?

Jean-Luc Mélenchon
© Pascal GUYOT / AFP
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Nicolas Beytout
Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mardi, il s'intéresse à la personnalité de Jean-Luc Mélenchon.
EDITO

C’est une question qui se pose d’autant plus que la dernière intervention médiatique de Jean-Luc Mélenchon m’avait laissé un peu interloqué. C’était sur France 2, trois jours avant son meeting, dans une émission (Elysée 2022) au demeurant excellente. Le patron de La France insoumise s’était montré dur, cassant avec la plupart des journalistes qui s’étaient succédés en face de lui, jusqu’à l’arrivée du président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, comme il l’appelle en détachant bien les syllabes (façon, j’imagine, de souligner qu’à lui seul, son patronyme faisait riche). Là, Jean-Luc Mélenchon avait baissé d’un ton, manifestement satisfait de débattre avec lui et, pour une fois, respectueux de son adversaire. Bon, à la fin de l’entretien, il avait bien juré de faire les poches au patron, mais c’était dit sur un ton tellement enjoué que ça pouvait relever de la galéjade. Eh bien, dimanche, en meeting, retour au Mélenchon qui, effectivement, fait les poches et ne fait pas rire du tout.

Une tonalité générale violente

C'est d’abord une impression, un climat général. Il faut bien comprendre ce qu’est un meeting, lorsque l’orateur est porté par une salle surchauffée. Jean-Luc Mélenchon n’avait pas de texte écrit, juste un canevas de son intervention posé sur une table haute et qu’il consultait de temps en temps. Les hourras et les vivas de la salle l’ont donc totalement libéré. Son talent d’improvisation et sa déconcertante facilité de tribun ont fait le reste. Résultat, une tonalité générale violente, une charge impitoyable contre le capitalisme, tournant en dérision ceux qu’il appelle les puissants, démolissant la finance considérée comme "un capitalisme parasitaire dont il faut se débarrasser", et traitant avec mépris les patrons qui seraient hostiles à sa politique sur le mode : "Vous arrivez à trouver des ouvriers moins chers ; nous, on arrivera à trouver des patrons moins chers".

Avec Jean-Luc Mélenchon, tout est simple : il a besoin de 200 milliards d’euros pour la transition écologique, il prend 200 milliards d’euros. A qui ? Aux riches, bien sûr, qui en profiteront d’ailleurs (de quoi se plaignent-ils, ces ingrats ?). Mais oui, parce que les 200 milliards d’impôts nouveaux serviront à augmenter les salaires, à embaucher des centaines de milliers de fonctionnaires. Tous ces gens-là consommeront puisqu’ils ont des besoins, et hop, ça fera tourner les entreprises. Bon, c’est ni plus ni moins un projet de collectivisation de l’économie, ça n’a jamais marché, mais ça fait des bons scores à l’applaudimètre. Même schéma simpliste à propos du déficit budgétaire et de la dette : les riches combleront le trou, tous ces capitalistes assistés, comme il les décrit avec ironie en tournant en ridicule "la misère et le dénuement" dans lequel ils se retrouverait après qu’il aura "tout pris", en particulier toutes les successions au-delà de 12 millions d’euros. Et ceux qui ne sont pas contents, ils n’ont qu’à partir. Comme vous le voyez, on était à mille lieues des échanges courtois avec le patron du Medef.

Rassembler les deux gauches irréconciliables 

Il y a donc deux Mélenchon, selon ceux à qui il parle. Ca correspond à une stratégie bien précise : essayer de rassembler sur son nom deux gauches : celle qui est déçue des candidatures piteuses de la social-démocratie, à qui il parlait jeudi soir; et puis celle à qui il s’adressait dimanche, la plus radicale. Ces deux gauches, que Manuel Valls avait qualifiées d’irréconciliables, et qui n’ont plus grand-chose de commun. Depuis des années, le leader de La France insoumise fait partie de la première gauche, la plus radicale. C’est donc plutôt le Jean-Luc Mélenchon extrême, celui du meeting qui est le vrai.