Présidentielle : les trois enseignements du second tour

  • Copié
, modifié à
L'élection présidentielle est terminée. Emmanuel Macron a été largement réélu président de la République dimanche soir, à l'issue du second tour. Mais Marine Le Pen gagne des points par rapport à 2017, et le président-candidat bénéficie largement du report de voix des électeurs de Jean-Luc Mélenchon. Les regards sont désormais tournés vers le "troisième tour", à savoir les élections législatives.

Les urnes ont parlé. Emmanuel Macron a été réélu dimanche président de la République face à Marine Le Pen, avec environ 58%, selon les estimations disponibles à 20 heures, à l'issue du second tour de la présidentielle. Une nette victoire pour le président candidat, néanmoins tempérée par l'écart serré, plus serré qu'en 2017 (66,10% contre 33,90%), entre les deux candidats, et par une abstention élevée (28%). Comment comprendre ces résultats ? Europe 1 vous livre, à chaud, les premiers enseignements.

Les électeurs de Mélenchon ont joué un rôle clé

"C'est une victoire nette, mais qui, malgré tout, est une victoire avec huit points de moins qu'en 2017", souligne, pour sa part, Bruno Jeanbart, directeur général adjoint de l’institut de sondages Opinion Way, invité d'Europe 1 et CNews à l'occasion de la soirée électorale. "Donc, on voit comment, en cinq ans, le paysage politique a bougé et c'est une victoire nette qui s'explique notamment par le fait que ce soir, environ 50% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon ont voté pour Emmanuel Macron, 25% pour Marine Le Pen et 25% n'ont pas choisi entre les deux candidats. Et donc, dans ces conditions, il était impossible pour Marine Le Pen d'espérer l'emporter très bien", développe-t-il.

Le leader de la France insoumise, qui avait appelé, quatre fois lors de son discours au soir du premier tour, à "ne pas donner une seule voix à Marine Le Pen", a donc joué un rôle clé. Et il semble en avoir bien conscience. Dès l'annonce des résultats ce dimanche soir, il a ouvert le bal des législatives. Jean-Luc Mélenchon a appelé les électeurs de gauche "à battre Emmanuel Macron durant le troisième tour (les législatives)" et à "l'élire" Premier ministre. Il souhaite "l'élargissement de l'union populaire".

Quoi qu'il en soit, il va falloir tenir compte, pour Emmanuel Macron, des électeurs de Jean-Luc Mélenchon. "J'ai eu un conseiller d'Emmanuel Macron au téléphone, qui me disait : 'Ce soir, la vraie question sera celle de la recomposition, de la majorité avec laquelle gouverner'. Nécessairement, en tout cas en ce début de quinquennat, l'aiguillon va pencher plus à gauche qu'à droite", analyse pour sa part Louis de Raguenel, chef du service politique d'Europe 1.

Marine Le Pen lance "la grande bataille électorale" des législatives

La finaliste malheureuse de 2017 et de 2022, elle aussi, se tourne déjà vers l'avenir. Sans un mot pour saluer la victoire d'Emmanuel Macron, Marine Le Pen entend poursuivre "son engagement pour la France et les Français". "Nous lançons ce soir la grande bataille électorale des législatives. Je mènerai cette bataille aux côtés de Jordan Bardella, avec tous ceux qui ont eu le courage de s'opposer à Emmanuel Macron au second tour, avec tous ceux qui ont la France chevillée au corps", a-t-elle ajouté, lors de son discours, quelques minutes après l'annonce des résultats. "Les idées que nous représentons arrivent à des sommets (...) Le résultat représente en lui-même une éclatante victoire", a-t-elle déclaré depuis son QG électoral dimanche soir.

C'est la troisième présidentielle sur cinq en 20 ans où un membre de la famille Le Pen, héritière de la droite maurrassienne, accède au second tour. Mais, contrairement à 2002 et 2017, le "front républicain" n'est plus aussi mobilisateur et le vote en faveur de Mme Le Pen devient "de plus en plus un vote d'adhésion et non protestataire", souligne Frédéric Dabi, directeur de l'institut Ifop, interrogé par l'AFP. Avec une campagne axée principalement sur le pouvoir d'achat, la candidate a su parler à un électorat populaire et élargir sa base, en témoigne ses résultats outre-mer (près de 70% en Guadeloupe, 60,8% en Martinique, 60,7% en Guyane...). Elle entend désormais continuer sur sa lancée pour les législatives. 

Emmanuel Macron l'emporte et promet une "méthode refondée"

Certes, l'abstention est élevée. Certes, Marine Le Pen fait un meilleur score qu'il y a cinq ans. Certes, les voix de gauche furent décisives. Mais le principal enseignement de ce second tour reste la victoire du président candidat. Pour Emmanuel Macron, sa réélection est une forme d'exploit après un premier quinquennat pourtant scandé de crises, des "gilets jaunes" au Covid. Sa victoire place le pays dans la continuité sur ses grandes orientations économiques, sur son rôle dans l'Union européenne et dans les relations internationales.

"Il faut saluer l'exploit. Emmanuel Macron rentre dans l'Histoire par la grande porte, il est président réélu hors période de cohabitation", salue sur Europe 1 et CNews le socialiste Julien Dray. "Il fait une performance importante et il a maintenant le poids de l'Histoire sur ses épaules, mais il faut saluer le travail qui a été accompli dans cette campagne. Nous avons intérêt maintenant à ce qu'il réussisse et je suis étonné que ses opposants ne lui ai pas souhaité bonne chance", poursuit-il.

Cette victoire ne lui offre cependant pas un blanc-seing pour les cinq ans à venir, au moment où l'attendent des défis colossaux, sur fond de guerre en Ukraine et d'inflation galopante. Ainsi, 46% des Français expriment "un sentiment négatif" face à cette réélection, selon un sondage Ipsos-Sopra Steria diffusé dimanche soir. D'ores et déjà, le président-candidat a promis de se renouveler en profondeur, tant sur la forme que sur le fond. Une nécessité à la tête d'une France coupée en deux, voire en trois au regard du nombre d'électeurs parmi les 48,7 millions appelés aux urnes qui ont choisi de bouder les isoloirs dimanche, dans ce remake de 2017 organisé alors que les trois zones scolaires sont en vacances.

"Je ne suis plus le candidat d'un camp, mais le président de tous", a pour sa part réagi Emmanuel Macron peu avant 22 heures, promettant une "méthode refondée" pour sa gestion du pays. "Vous avez fait le choix d'un projet humaniste, ambitieux, pour l'indépendance de notre pays, pour notre Europe, un projet républicain dans ses valeurs", a-t-il scandé, adoptant, rapidement, un discours rassembleur. "Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l'extrême-droite. Et je veux ici les remercier et leur dire que j'ai conscience que ce vote m'oblige pour les années à venir", a déclaré le président réélu, arrivé sur le Champ de Mars entouré d'enfants et de son épouse, Brigitte Macron, sur fond d'Ode à la joie de la 9e symphonie de Beethoven, l'hymne européen.

"Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s'achève", a assuré le président sortant lors de son discours de victoire au Champ-de-Mars, appelant à être "bienveillants et respectueux" dans un pays "pétri de tant de doutes, tant de divisions". "Je sais que pour nombre de nos compatriotes, qui ont choisi aujourd'hui l'extrême droite, la colère et les désaccords, qui les ont conduits à voter pour ce projet, doivent aussi trouver une réponse. Ce sera ma responsabilité et celle de ceux qui m'entourent", a-t-il déclaré.