Présidentielle : abstention, plus que jamais la grande inconnue

À une semaine du premier tour de la présidentielle, le niveau de l'abstention demeure plus que jamais la grande inconnue de l'élection.
À une semaine du premier tour de la présidentielle, le niveau de l'abstention demeure plus que jamais la grande inconnue de l'élection. © ARNAUD PAILLARD / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
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avec AFP
Le niveau de l'abstention demeure plus que jamais la grande inconnue de cette élection présidentielle. Beaucoup de politologues craignent que le record du 21 avril 2002 (28,4%), le plus haut niveau jamais enregistré pour un 1er tour d'une élection présidentielle, puisse être battu, soit bien plus qu'en 2017 (22,2%) qui n'était déjà pas un bon cru.

À une semaine du premier tour de la présidentielle, le niveau de l'abstention demeure plus que jamais la grande inconnue d'une élection atypique qui, selon les spécialistes, va se jouer dans la toute dernière ligne droite. "Tout va se jouer dans les huit derniers jours et on a deux schémas possibles", résume le sondeur (Ipsos) Brice Teinturier.

Allons-nous battre le record d'abstention du 21 avril 2022 ?

"Soit dans les dix derniers jours, comme en 2017, la mobilisation remonte et on peut espérer à ce moment-là une abstention contenue, on va dire à 25 %, soit on est vraiment sur un schéma différent, et là effectivement on peut être dans la zone des 28, 30% d'abstention", analyse-t-il pour FranceInfo.

Beaucoup de politologues craignent que le record du 21 avril 2002 (28,4%), le plus haut niveau jamais enregistré pour un 1er tour d'une élection présidentielle, puisse être battu, soit bien plus qu'en 2017 (22,2%) qui n'était déjà pas un bon cru.

"Mesurer et estimer correctement l'abstention avec les sondages est souvent délicat car déclarer que l'on s'abstient, c'est déroger à l'image du bon citoyen", met cependant en garde le politologue Bruno Cautrès (Cevipof), pour qui il "semble prématuré de faire cette prévision" d'une abstention à plus de 30%.

Cristallisation du vote

Comme lui, nombreux sont les spécialistes à appeler à la prudence en raison de l'indécision et la volatilité croissante d'électeurs "intermittents" qui font leur choix de plus en plus tardivement. "Quand j'étais jeune, on apprenait que dans une élection présidentielle, la cristallisation se faisait en janvier ou en février. Maintenant la cristallisation se fait le jour du vote", relève le directeur général de la Fondation Jean Jaurès Gilles Finchelstein.

Echaudés par le précédent des élections régionales de 2021 où le niveau de l'abstention (deux tiers des électeurs au final) avait été sous-estimé et, par contrecoup, celui du RN surévalué, même les sondeurs mettent en garde contre certaines interprétations de leurs enquêtes laissant penser que l'élection est déjà jouée, et Emmanuel Macron réélu.

 

"Cette abstention nous incite à une certaine prudence sur ce que nous mesurons parce qu'il peut y avoir une déformation ultime des niveaux d'intentions de vote que nous mesurons aujourd'hui en fonction des catégories qui, in fine, vont se mobiliser ou pas", avertit ainsi Brice Teinturier.

Car le risque d'abstention ne menace pas de la même façon tous les candidats. "L'électorat qui est le moins sensible à l'abstention, c'est celui d'Emmanuel Macron, parce que c'est un électorat aisé, inséré et c'est également le cas de l'électorat de Valérie Pécresse", souligne le directeur général délégué d'Ipsos.

Peu d'enjeu ?

"L'abstention est en revanche potentiellement défavorable à l'électorat de Jean-Luc Mélenchon et à celui de Marine Le Pen parce que ces deux électorats sont à la fois plus jeunes et composés davantage d'ouvriers et d'employés qui se mobilisent moins", complète-t-il. Rappelant "ce qui s'était passé le 21 avril 2002, où beaucoup d'électeurs, persuadés que Lionel Jospin allait être qualifié, s'étaient autorisés des votes différents", il n'exclut pas toutefois une démobilisation risquée des électeurs Macron si le match semble plié.

"Pour que la participation atteigne le niveau habituel d'une élection présidentielle - aux alentours de 80% -, il faut que soit perçue l'existence d'un enjeu" car "la nouveauté de la période, c'est que la participation électorale n'a plus rien d'automatique. Peu d'enjeu, peu de participation", estime Gilles Finchelstein.

"Lorsqu'une élection donne le sentiment que son résultat est connu d'avance, alors elle motive moins", abonde Bruno Cautrès dans Libération. "Depuis des mois, Emmanuel Macron n'a semblé en difficulté dans aucune intention de vote. En revanche, si l'écart entre Macron et Le Pen venait à se réduire - par exemple 52 % à 48 % - l'élection deviendrait plus motivante et mobiliserait sûrement davantage", ajoute-t-il.