Loi immigration: les associations dénoncent un «festival des horreurs» au Sénat

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avec AFP/Crédits photo : MAGALI COHEN / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
Pour eux, c'était le "festival des horreurs": associations et immigrés sont "scandalisés" par la coloration très droitière prise par le projet de loi immigration après son examen au Sénat, qui vote mardi le texte auquel ils espèrent plus que jamais "faire barrage".

Le texte soumis au vote n'a plus grand-chose à voir avec le projet de loi présenté par le gouvernement, qui vantait l'équilibre entre un volet répressif, destiné à faciliter les expulsions des étrangers délinquants, et un volet intégration.

Le Sénat l'a considérablement durci avec des mesures emblématiques de la droite, au terme d'une semaine d'âpres débats. "Le texte du Sénat représente un changement de nature. Les politiques restrictives, en matière migratoire, cela fait 40 ans qu'on en voit. Là, c'est autre chose, à la fois dans les mesures adoptées et la tonalité des débats", s'inquiète Pascal Brice, l'influent président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), qui regroupe 870 associations et organismes.

 

Les propos du sénateur Stéphane Ravier (Reconquête), qui a par exemple déclaré lors d'une intervention sur le droit du sol qu'un "veau qui naît dans une écurie, cela ne fera jamais de lui un cheval", ont notamment marqué les esprits.

"Stigmatisation"

Un "déchaînement" qui a poussé la FAS à envoyer jusqu'à la dernière minute des missives aux sénateurs centristes et RDPI pour les dissuader de voter le texte. "Il faut qu'ils prennent la mesure de ce qu'ils s'apprêtent à faire: est-ce qu'ils acceptent ce basculement vers la stigmatisation générale" des étrangers, interroge l'ancien diplomate. 

A la sortie d'une semaine de débat, qui aura notamment vu la mesure-phare de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension être réduite à portion congrue, "on a le dos cassé", résume Mody Diawara, président du collectif des sans-papiers de Montreuil (Seine-Saint-Denis).

"L'article 3 (supprimé puis remplacé par un autre plus restrictif, ndlr) on trouvait déjà que c'était dur. Eux trouvent que c'est trop laxiste. Ca me dépasse. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on continue de travailler, de payer des impôts, mais qu'on ne bénéficie pas du fruit de notre travail et qu'on reste dans l'irrégularité", estime cet ouvrier du BTP qui avait été invité au Sénat pour suivre l'examen de la loi.

 

Autre mesure supprimée: l'aide médicale d’État (AME), réservée aux sans-papiers, remplacée par une "aide médicale d'urgence" avec un panier de soins restreint. "On est atterrés. Ca marque une régression sur quelque chose de fondamental", observe Christian Reboul, référent migrations chez Médecins du monde.

Il faudra "faire barrage" à l'Assemblée nationale, qui se penchera à son tour sur le texte à partir du 11 décembre, dit-il. Même si le mal est fait, juge Christian Reboul, pour qui ces "idées ont eu le temps de se diffuser" dans l'opinion publique.

"Rouleau compresseur"

La réforme de l'AME a suscité l'incompréhension jusqu'au sein du gouvernement, qui ne s'est pourtant pas formellement opposé à sa suppression dans l'hémicycle. "On attend une clarification du gouvernement. On doit savoir s'il y a un pilote dans l'avion", s'inquiète Delphine Rouilleault, directrice générale de France terre d'asile.

Au Sénat, "on s'est pris un rouleau compresseur sur la figure", avoue-t-elle. Resserrement des critères du regroupement familial, durcissement du droit du sol, conditionnement des allocations familiales et de l'aide au logement (APL) pour les étrangers à cinq ans de résidence, politique de "quotas" migratoires annuels, possibilité de placer un demandeur d'asile en rétention... La chambre haute a adopté un tour de vis général.

 

"C'est un festival des horreurs. La recherche à tout prix d'un accord avec Les Républicains n'explique pas l'adoption d'une évolution législative extrêmement négative, qui va surtout conduire à 'désintégrer' les étrangers", fulmine la responsable de l'association opératrice de l’État.

Il y a selon elle une "unanimité absolue" des associations, "scandalisées par le sous-jacent xénophobe" de certaines mesures. A cet égard, l'AME ou l'article sur les régularisations ne sont qu'un "écran de fumée", analyse Delphine Rouilleault: "On nous a expliqué depuis un an que les mesures répressives visaient les étrangers délinquants. On se rend compte qu'en réalité, ça concerne tout le monde".