Loi anticasseurs : le Conseil constitutionnel censure l'interdiction administrative de manifester

L'article 3 permettait aux préfets de prononcer des interdictions administratives de manifester. (Illustration)
L'article 3 permettait aux préfets de prononcer des interdictions administratives de manifester. (Illustration) © AFP
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avec AFP , modifié à
Cet article phare permettait à l'autorité administrative d'interdire de manifestation toute personne représentant une "menace d'une particulière gravité pour l'ordre public".

Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi l'article phare de la proposition de loi anticasseurs qui donnait à l'autorité administrative le pouvoir d'interdire de manifestation toute personne présentant une "menace d'une particulière gravité pour l'ordre public".

"Les dispositions contestées laissent à l'autorité administrative une latitude excessive dans l'appréciation des motifs susceptibles de justifier l'interdiction", écrivent les "sages", qui ont en revanche validé les autres dispositions de ce texte adopté le 12 mars par le Parlement après les violences en marge du mouvement de contestation des "gilets jaunes".

Le gouvernement évoquait une "loi de protections". L'article 3 de ce texte, présenté par le gouvernement comme une "loi de protections" dénuée de "tout arbitraire", permettait aux préfets de prononcer des interdictions administratives de manifester sanctionnées de six mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende. Aux termes de l'article, cette interdiction ne pouvait frapper que les personnes ayant commis des "atteintes graves à l'intégrité physique des personnes ainsi que des dommages importants aux biens" ou encore "un acte violent" lors de manifestations précédentes.

Inspirée de l'interdiction de stade, cette mesure préventive qui s'accompagnait d'une inscription au fichier des personnes recherchées (FPR) avait été vivement dénoncée comme percutant les libertés d'aller et venir, le droit d'expression collectif et de réunion, qui sont protégés par la Constitution. Des arguments qui ont retenu l'attention du Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par des parlementaires des oppositions mais également par le chef de l'État Emmanuel Macron.

Deux autres articles validés. "Compte tenu de la portée de l'interdiction contestée, des motifs susceptibles de la justifier et des conditions de sa contestation, le législateur a porté au droit d'expression collective des idées et des opinions une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée", écrit dans sa décision le Conseil. Les "sages" ont en revanche validé les autres articles soumis à son contrôle qui autorisent notamment les fouilles de sacs et de véhicules dans les manifestations et à ses abords (article 2), et créent un délit de dissimulation volontaire du visage puni d'un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende (article 6).

L'Élysée prend acte de la censure partielle par le Conseil constitutionnel. L'Élysée a de son côté indiqué "prendre acte" de la décision du Conseil constitutionnel de censurer l'interdiction administrative de manifester, considérée comme la mesure phare du texte de loi anticasseurs. "L'Élysée prend acte de la décision du Conseil constitutionnel de valider l'ensemble des dispositions de la proposition de loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public, à l'exception de l'article 3 sur l'interdiction individuelle de participer à une manifestation", réagit la présidence dans un communiqué. "Pour rappel, le président avait saisi le Conseil constitutionnel pour s'assurer de l'équilibre entre efficacité du maintien de l'ordre et garantie des libertés publiques", poursuit l'Élysée. "Cette loi avait fait l'objet de nombreux débats et suscité des interrogations légitimes: saisir le Conseil constitutionnel était la meilleure et la plus saine des manières d'y répondre en toute objectivité", estime encore la présidence.