Les écologistes ont-ils perdu l’écologie ?

Nicolas Beytout
Nicolas Beytout était invité d'Europe 1 © Europe 1
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Europe 1
Invité d'Europe 1, Nicolas Beytout est revenu sur la campagne de Yannick Jadot et les enjeux qui attendent l'écologie pour le prochain quinquennat. L'éditorialiste a évoqué la question du nucléaire français, de l'argent public, et des grandes lignes du programme des écologistes.

Enfin du concret, enfin un programme précis, un chiffrage, enfin une base sur laquelle débattre. C’est en tout cas ce qui se disait dans l’entourage du candidat écologiste, hier, en savourant (avec cette conférence de presse) l’entrée dans une nouvelle étape de la campagne, une phase dans laquelle on ne parlerait plus de cette Primaire populaire qui a pollué toutes les discussions à gauche depuis des semaines. Si en plus le Covid n’est bientôt plus le sujet n°1 des préoccupations des Français, alors, en avant la campagne! Et en avant la reconquête. Oui, parce que le problème des écolos, c'est que depuis la victoire de Yannick Jadot à la primaire des Verts et sa déclaration de candidature, son score dans les sondages n’a cessé de baisser. Il est aujourd’hui à 5% dans la plupart des sondages, en chute de 3 points en un mois.

La publication de son programme inversera-t-elle la tendance ?

A vrai dire, voir le candidat de l’écologie à un niveau aussi bas était assez peu prévisible. Il y a bien sûr le changement de perception des Français sur le nucléaire : ils ont compris qu’on aurait à l’avenir besoin d’électricité en quantité et que le nucléaire français était un atout. Mais pour le reste, désormais tout le monde pense écologie, parle écologie, promet écologie. Logiquement, on pourrait avoir un parti à 15 -20%, comme en Allemagne par exemple.

Cela ne se reproduit pas en France parce que les écolos se sont fait voler l’Ecologie, ou plus exactement le souci de la planète. Cette préoccupation a envahi le débat public. Tous les partis politiques ont leur panoplie de mesures vertes, durables, responsables. Et maintenant que planète n’est plus l’objet exclusif des Verts, on regarde le reste de leur programme, et on voit que (à la différence des Verts allemands, par exemple) c’est plus que jamais un programme d’extrême gauche. Alors, on y trouve bien sûr l’inévitable rétablissement d’un ISF multiplié par 4, il y a la (toute aussi inévitable) hausse de l’impôt sur le revenu pour ceux qui en payent déjà l’essentiel. Il y a le revenu citoyen, près de 1000 euros par mois donnés à tous les jeunes sans ressource à partir de 18 ans. Il y a la création de près de 220.000 postes de fonctionnaires (100.000 infirmières et soignants, 65.000 enseignants, 30.000 personnels pour la justice et la jeunesse, mais évidemment rien pour la police ou la gendarmerie). Bref, l’argent public coule à flot.

Y a-t-il une spécificité écologiste, des mesures qu’ils sont les seuls à proposer ?

Il y a bien une spécificité écologistes mais ce qui fait la différence avec les autres partis, c’est que cette spécificité, cette frange de leur combat est soit dogmatique, soit caricaturale. Dogmatique comme peuvent l’être l’interdiction de la vente des voitures à moteur thermique dans 8 ans ou l’interdiction de la chasse le week-end et pendant les vacances scolaires, dogmatique aussi comme l’installation de 3000 éoliennes à terre alors que chaque nouveau mât dressé est devenu un combat. Et caricatural comme peuvent l’être les maires écolos des grandes villes avec l’interdiction du sapin de Noël ou le boycott du Tour de France. C’est le péché originel des Verts français, qui n’ont pas du tout acquis la culture de gouvernement d’autres partis écologistes en Europe. Les plus modérés d’entre eux veulent obliger les Français à changer rapidement (et je dirais même brutalement) de comportement ; les plus jusqu’au-boutistes veulent aller jusqu’à changer les consciences et placent tout leur combat sur le plan moral. De quoi inquiéter une très large majorité de Français.