Les destins contrastés des juppéistes

Alain Juppé Edouard Philippe
Edouard Philippe, ancien bras droit d'Alain Juppé, a choisi de rallier Macron. D'autres fidèles du maire de Bordeaux ont préféré rester chez LR. © CHARLY TRIBALLEAU / AFP
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Les règlements de compte qui ont éclaté cette semaine entre les anciens partisans d'Alain Juppé sont révélateurs : tous n'ont pas emprunté le même chemin pour se remettre de la primaire perdue à droite.

Ce doit être une visite "symbolique et marrante", explique Matignon. Marrantes, on ne sait pas, mais symboliques, les retrouvailles d'Edouard Philippe et Alain Juppé, l'ex-bras droit et l'ex-mentor, vendredi, le seront forcément. Le padawan du Havre et son maître jedi bordelais ont bien gardé contact depuis l'arrivée du premier à la tête du gouvernement, ils se sont même publiquement rendu hommage, mais ils ne s'étaient pas affichés côte à côte.

Ce sera donc une première, et dans un contexte particulier de surcroît. Non seulement Edouard Philippe est en passe d'être exclu du parti LR, mais il est au cœur d'une bisbille médiatique déclenchée par la sortie, mercredi, de Virginie Calmels, dans Le Figaro. La première adjointe d'Alain Juppé à la mairie de Bordeaux s'était étonnée de voir "les principaux artisans de la défaite [de l'édile girondin] aujourd'hui à Matignon". Ce qui lui avait valu un recadrage sur Twitter d'Alain Juppé lui-même.

Trois styles, trois ambiances. Ces règlements de compte en bonne et due forme illustrent les trajectoires diverses des anciens juppéistes. Pour se remettre de la défaite aussi lourde qu'inattendue de leur candidat à la primaire de la droite, il y a près d'un an, tous n'ont pas opté pour la même stratégie. Certains ont rallié Emmanuel Macron. D'autres, restés à droite, tentent de reprendre le flambeau de leur mentor et d'imposer sa ligne modérée. Et les derniers ont clairement penché à droite en ralliant François Fillon puis, aujourd'hui, Laurent Wauquiez, candidat à la présidence LR.

Calmels, néo-wauquiériste. C'est justement le cas de Virginie Calmels, qui avait lancé le 25 janvier 2017 –jour même des premières révélations du Canard Enchaîné sur l'emploi présumé fictif de Penelope Fillon- le mouvement DroiteLib, destiné à fédérer les anciens soutiens d'Alain Juppé autour de François Fillon. Aujourd'hui, la première adjointe à la mairie de Bordeaux s'affiche aux côtés de Laurent Wauquiez, dont elle est devenue, au gré des déplacements divers, la caution juppéiste.

Et celle-ci ne voit aucun grand écart idéologique dans ces alliances successives. "Je reste convaincue que le projet d'Alain Juppé [était celui] décrit dans son livre Pour un État fort", avec des quotas d'immigration, la suppression de l'aide médicale d'État et la limitation du regroupement familial, a-t-elle expliqué vendredi sur Europe 1. Un programme pas si éloigné, selon elle, de celui de Laurent Wauquiez aujourd'hui.

Les juppéistes devenus marcheurs. Reste que l'opinion de Virginie Calmels n'est pas la plus répandue au sein des juppéistes. Beaucoup d'entre eux ont préféré rallier Emmanuel Macron. Des petites mains de la campagne pour la primaire du maire de Bordeaux sont passées chez les marcheurs juste après la défaite de novembre 2016. Puis, des noms plus connus ont franchi le pas : Aurore Bergé, coordinatrice de la campagne numérique d'Alain Juppé, l'a fait le 14 février. Un mois plus tard, c'est le sénateur de l'Yonne Jean-Baptiste Lemoyne qui a rejoint Emmanuel Macron.

L'élection du président de la République au mois de mai, puis la constitution de son gouvernement et les législatives, ont été le théâtre de nouveaux ralliements. Avec, en premier lieu, celui d'Edouard Philippe, nommé Premier ministre. Dans son sillage, Gilles Boyer, directeur de la campagne de la primaire d'Alain Juppé, et Charles Hufnagel, qui s'occupait de la communication de la même campagne, sont devenus conseillers à Matignon.

Les héritiers. Entre une Virginie Calmels et un Edouard Philippe, il y a une voie médiane pour les derniers juppéistes. Ceux qui ne veulent pas quitter LR mais répugnent à l'idée de soutenir la droite dure de Laurent Wauquiez, et concluent donc que la meilleure option est de reprendre le flambeau. L'exemple le plus parlant est sûrement celui de Maël de Calan, 36 ans dont la moitié passés à militer à droite, ancien de la garde rapprochée du maire de Bordeaux. Le conseiller départemental du Finistère défie désormais Laurent Wauquiez dans la course à la tête des Républicains.

Il n'est pas le seul juppéiste à vouloir se faufiler entre la droite décomplexée et la République en marche!. La sénatrice Fabienne Keller, mais aussi Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France, ont tous deux exprimés le souhait de suivre une ligne politique de droite modérée. Au sein de la même famille politique, pour l'instant. Mais l'élection plus que probable de Laurent Wauquiez pourrait bien bouter les derniers juppéistes hors de LR.