Le dégoût, grand gagnant du débat présidentiel ?

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Antonin André, chef du service politique d'Europe 1 , modifié à
Avec un tel niveau de violence, le débat d’entre-deux-tours, mercredi 3 mai, a viré à un affrontement quasi physique, très loin d'un échange sur le fond.

On n’avait encore jamais vu un tel niveau de violence, de la première à la dernière seconde, dans un débat d'entre-deux-tours. Les deux candidats à la présidentielle étaient à la limite de l’insulte. À tel point d’ailleurs que les journalistes eux même semblaient sonnés, incapables de séparer les deux boxeurs. Et même dans les dernières minutes, lorsqu’il s’agit de s’adresser aux Français, les yeux dans les yeux pour la dernière fois avant le vote, au lieu de regarder la caméra et de leur donner envie d’adhérer, Marine Le Pen préfère continuer de pilonner son adversaire Emmanuel Macron, comme une rengaine qui tournait en boucle.

Derrière les attaques, Marine Le Pen rend les armes. La perdante de ce match de boxe, c’est elle. Pourquoi ? Parce qu’elle a été dans l’agression du début à la fin. Elle a pourri le débat. Son projet c’est le dénigrement de l’adversaire, c’est l’invective à la limite de la vulgarité : "C’est sorti, ça va mieux ? Buvez un petit coup, ça va aller mieux…" On croyait entendre les gauloiseries de son père. Glissant volontiers dans l’outrance et la caricature, Marine Le Pen a raté l’occasion de se hisser à un niveau présidentiel et, d’une certaine façon, elle a rendu les armes : elle est dans une posture d’opposante, pas de conquérante.

Emmanuel Macron, parfois, s’est laissé entraîner à la castagne c’est vrai, mais globalement, il s’est retenu et il a réussi à parler projet, à l’entraîner sur son terrain : sur l’Euro, l’industrie et la fiscalité en mettant à chaque fois Marine le Pen devant ses contradictions, ses incohérences, démontrant au fond que le projet de la candidate est souvent défaillant.

Dimanche, un vote sanction ? Ce débat n’était pas de nature à réconcilier les Français avec les politiques au terme d’une campagne dont la violence restera le marqueur, et qui est sans doute aussi un peu le reflet du pays, ce qui augure des lendemains d’élection difficiles. Sur le vote : Une présidentielle, on l’a souvent écrit, c’est l’occasion de rassembler le plus de Français sur un projet, une vision, de donner de l’espoir sans aller jusqu’au rêve. On en était très très loin mercredi soir. Ce débat ne donne pas forcément envie d’aller voter, ou alors d’y aller pour sanctionner, dégager celui que l’on déteste plus que pour adhérer à celui que l’on choisit.