La politique d'asile et d'immigration du gouvernement crée le malaise au sein de la majorité

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La députée Sonia Krimi s'est faite porte-parole, mardi, du malaise des députés LREM par rapport à la politique migratoire de l'exécutif. © Patrick KOVARIK / AFP
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avec AFP , modifié à
Des députés s'inquiètent de voir le gouvernement s'orienter vers une politique plus répressive. Celui-ci a enclenché une opération de communication destinée à rassurer, quitte à reculer sur certains points.

La France Insoumise qui applaudit les élus de la majorité. L'image est rare, pour ne pas dire inédite. C'est pourtant ce qui s'est produit mardi après-midi, lors des questions au gouvernement. Sonia Krimi, députée LREM de la Manche, a interpellé Gérard Collomb sur la politique d'asile et d'immigration menée par le gouvernement. Dressant un tableau très sombre de la prise en charge des personnes étrangères qui arrivent en France, avec un "traitement du séjour irrégulier devenu une angoisse pour les étrangers, les associations, les forces de police, les préfectures et les avocats" et "des centres de rétention [qui] deviennent des centres de détention", Sonia Krimi a réclamé une politique "plus juste et plus humaine". Recueillant, donc, la vive approbation de l'opposition de gauche, mais aussi d'une partie de ses collègues, tandis que Gérard Collomb et Christophe Castaner, sur les bancs du gouvernement, se montraient nettement moins enthousiasmés.

Malaise interne. L'intervention n'a rien d'anodin. Alors qu'un projet de loi de réforme du droit d'asile est en préparation pour début 2018, l'interpellation de cette députée franco-tunisienne illustre le malaise qui gagne la majorité. La politique migratoire gouvernementale, et notamment deux circulaires récentes qui demandent plus de reconductions à la frontière de la part des préfets et instaurent un "recensement administratif" des personnes en hébergement d'urgence, est critiquée en interne.

 

Des députés mobilisés. Preuve en est avec la réunion du groupe LREM à l'Assemblée, mardi, qui s'est tenue à huis-clos mais dont certains éléments ont fuité dans la presse. Une grosse partie a été consacrée au sujet de l'immigration. Le député des Hautes-Alpes Joël Giraud a attiré l'attention des migrants qui, traversant la frontière franco-italienne en plein hiver et sans équipement, finissent dans les montagnes avec "les extrémités gelées". Christophe Blanchet, élu du Calvados, a quant à lui dépeint la situation dans sa circonscription, s'émouvant d'enfants installés "à même le sol". Guillaume Chiche, député des Deux-Sèvres, a quant à lui applaudi l'intervention en séance de Sonia Krimi. "Elle met précisément le doigt sur un enjeu de société", note-t-il au micro d'Europe 1.

Collomb en première ligne. Côté gouvernement, on prend la situation très au sérieux. De fait, si les politiques mises en place jusqu'ici, en majorité économiques, ne suscitaient que peu de débat, l'unité de la majorité pourrait bien se fissurer sur des thèmes plus sociétaux comme celui de l'immigration. Richard Ferrand, président du groupe LREM à l'Assemblée, a été missionné pour rassurer ses troupes et leur a proposé, mardi, de consacrer une réunion entière au sujet le mois prochain. Tout en préconisant aux députés "silence et travail" pour ne pas "tomber dans le piège" de la polémique.

Gérard Collomb, de son côté, a enclenché un plan com' bien huilé pour démontrer que la politique gouvernementale ne s'est pas durcie, et ne s'éloigne pas du discours d'ouverture tenu par Emmanuel Macron envers les réfugiés tout au long de sa campagne. Tôt mardi matin, le ministre de l'Intérieur s'est donc affiché au siège de l'association France Horizon pour accueillir en personne 25 réfugiés de nationalités érythréenne, éthiopienne et soudanaise. "Comme vous le savez, la France a une tradition d'accueil des réfugiés", a-t-il souligné.

Distinction entre "réfugiés" et "migrants". Tout l'enjeu, pour le gouvernement, est d'expliquer que sa politique consiste à se montrer ouvert avec les personnes pouvant prétendre à l'asile, les "réfugiés", mais ferme avec les "migrants économiques", qui ne peuvent pas rester sur le territoire. De nombreux députés ont écumé les médias ces derniers jours pour marteler ce message, à l'instar de Gabriel Attal, élu des Hauts-de-Seine, invité de Hondelatte informe lundi. "Il faut prendre des mesures d'éloignement, mais cela ne veut pas dire qu'il faut mettre tout le monde dehors", a souligné le jeune parlementaire. "Les personnes qui sont déboutées du droit d'asile peuvent demander un titre de séjour et leur situation est examinée au regard d'autres critères." Autrement dit : chaque cas est minutieusement traité mais, en cas de refus, les déboutés doivent se plier à la décision.

Des parlementaires prêts à amender le texte. L'un des principaux objectifs du projet de loi en préparation est justement de raccourcir les délais de demande d'asile, ainsi que ceux des demandes de recours. Mais plusieurs mesures annexes inquiètent les députés LREM, comme le doublement du nombre de jours de rétention avant un renvoi à la frontière, ou l'introduction de la notion très controversée de "pays tiers sûr". Nombreux sont les parlementaires à souligner qu'il faudra amender le texte. "Il y a des gages qui nous sont donnés, une discussion", a ainsi souligné Sacha Houlié, vice-président de l'Assemblée nationale, sur Europe 1 mercredi matin. "On peut être des députés qui discutons avec le gouvernement, qui faisons évoluer le texte."

La pression est donc mise sur le gouvernement qui, déjà, a commencé à abandonner certaines pistes envisagées. Sacha Houlié a ainsi annoncé mercredi que la notion de "pays tiers sûr" "ne figurera pas dans la loi". Ce que Beauvau a ensuite confirmé. "Nous considérons que ça n'a pas à figurer dans le texte", a simplement déclaré le député. Reste à savoir si d'autres ajustements seront possibles lors les contours du projet de loi seront plus précis.